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Dum Spiro, Spero
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hold, hold on, hold onto me, 'cause i'm a little unsteady | dantemiaDum Spiro, Spero :: Time and universe :: Flashbacks

Artemia C. Smeraglia

13.04.21 23:00

« The wounds that never heal can only be mourned alone. »
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a little
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Artémia grommelle en quittant la mairie. Il est encore trop tard pour être encore au travail ; il est encore trop tôt pour rentrer chez elle. A ses pieds, pourtant, Princesse s'impatiente. Il en a sûrement marre de se rouler sur le tapis du bureau et a hâte de se dégourdir les pattes. Artémia, elle, aurait aimé avoir rassemblé assez de courage pour inviter Jake à manger avec elle ce soir. Cela fait une semaine qu'elle voudrait qu'ils sortent tous les deux, qu'elle essaie de trouver le bon moment pour lui proposer de laisser tomber leurs dossiers pour aller attraper même un tacos au coin de la rue. Une semaine qu'elle perd ses mots quand il lève vers elle ses yeux vides et qu'elle se contente de le remercier pour son travail ou de lui déblatérer des âneries. Elle a peur d'avoir ruiné sa vie. Elle ne l'a jamais vu si triste que depuis qu'il travaille avec elle, et ces yeux éteints font beaucoup trop écho à ceux qu'elle a trop bien connus, parce qu'elle les voit encore dans ses cauchemars et parce qu'elle les voyait dans le miroir quelques mois auparavant.

C'étaient les yeux de Dante avant leur dispute d'enfants. C'étaient ses yeux à elle après l'annonce de son mariage avec lui. Elle ne connaît que trop bien la douleur de l'absence qu'elle reconnaît en Jake ; l'absence de sentiments, l'absence de joie, l'absence de vie. Elle se sait encore trop fragile pour l'effleurer, et elle sait qu'un contact pourrait gangréner tout ce qu'elle essaie de reconstruire sous son armure trop scintillante pour être vraiment efficace. Elle meurt d'envie de lui tendre la main, de caresser ses doigts comme elle le faisait quand leurs corps s'emmêlaient sous les draps, de l'embêter encore jusqu'à ce qu'il craque et qu'il ressente quelque chose. Elle a peur.

Elle pense encore à Jake quand elle pousse la porte de son appartement. Elle n'a pas le temps d'allumer la lumière que Princesse tire déjà sur sa laisse pour aller se vautrer sur le canapé, la faisant trébucher sans avoir pu enlever ses chaussures, son manteau, ni même posé les clés sur le meuble.

« Attends, attends. »

Elle essaie de garder un ton neutre. Le pauvre chien ne sera pas victime de ses humeurs négatives. De toute façon, il est bien trop mignon avec ses oreilles trop grandes pour son visage. Elle dégrafe son collier machinalement, le regarde courir dans l'intérieur de l'appartement avec un sourire en coin, accroche son manteau dans l'entrée. Ils sont chez eux.

Elle se laisse tomber dans son canapé avec un soupir, écoute le silence de la pièce. Tout est si calme quand Dante n'est pas là pour faire du bruit comme un gamin. Elle s'était habituée à ses manies d'enfant gâté, à ses nuisances sonores constantes, à ses pulsions imprévisibles qui le voyaient commander un pot de glace à quatre heures du matin. Ils ont passé quelques temps dans la villa offerte par leurs parents après leur lune de miel, comme pour prolonger de quelques jours ce moment particulier qu'ils avaient partagé ; mais la vie les a rattrapés et ils sont repartis vivre chez eux, penauds, le cœur encore plein de non-dits. Elle ne s'est toujours pas bien habituée à son absence. Elle déteste le vide qu'il laisse derrière lui à chaque fois qu'il s'en va. Elle se déteste de s'habituer tellement à sa présence. Tout était plus simple, avant.

Elle fait défiler Instagram machinalement quand on toque à sa porte. C'est inhabituel, parce que la sonnette est quatre étages plus bas et qu'ainsi personne ne toque jamais à la porte. C'est étrange aussi parce qu'elle n'attend personne et que la soirée est déjà entamée. Le plus étrange, c'est le bond que fait Princesse, habituellement si serein, pour aller attendre devant la porte, geignant et grattant le métal du bout de la patte.  Perplexe, Artémia se lève et déverrouille la serrure, laissant la petite chaîne de sécurité accrochée.

« Qui est là ? »

Elle n'a pas le temps de finir sa phrase qu'elle a déjà la réponse. Dans la mince rainure, elle distingue la silhouette de son mari, encore plus décharné et cerné que d'habitude si c'est possible. Sans réfléchir une seconde, elle referme la porte pour la rouvrir une fois libérée de la chaîne. Elle se pousse de l'encadrement pour lui faire signe d'entrer. Ce soir, il ne vient pas pour passer la nuit avec elle.
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Dante Motisi-Smeraglia

13.04.21 23:56
Il fait courir la pilule sur chacune de ses phalanges, l’attrape entre deux doigts, la lance de quelques centimètres pour la rattraper, n’écoute rien à ce que les gens autour de lui disent. Les couleurs sont trop fortes, trop vibrantes, et les sons sont trop troubles, trop forts pourtant, trop lointains aussi. Tout est un peu trop, juste un peu trop, à peine un peu trop, et il a encore de la marge, mais pourtant, tout lui paraît n’être pas assez. La pilule finit sur sa langue et il pose des yeux un peu perdus sur sa voisine qui lui tend son verre. Il n’a rien commandé. Sans doute. Ca a peu d’importance. Il lui semble qu’il a perdu sa carte bleue. Tant pis.

Les minutes et les heures défilent et il ne pourrait pas dire ce qu’il en fait, ce qu’il s’y passe, mais parfois, il rouvre les yeux et il a changé d’endroit, changé de verre, changé de voisin, changé de nom. C’est de plus en plus dur de changer de nom, maintenant qu’il s’affiche au bras de la maire, maintenant que son premier nom n’est pas la seule chose qui fait tiquer les gens. Il déglutit un peu alors qu’on lui demande si tout va bien, puis rigole un peu trop fort, un peu trop vite, un peu trop faux, mais personne ne s’en rend compte, et la vie continue.

Il est assis sur le canapé, quand la vague glaciale le frappe comme pour le réveiller, et il se redresse d’un coup, le souffle court. La personne qu’il était apparemment occupé à embrasser se redresse aussi, fronce les sourcils, dit quelque chose, mais cette fois, il n’y a plus de son, plus d’image, rien de plus que le froid, un froid intense et dévorant qui s’étale dans tout son corps, ou qu’il remarque enfin, comme à chaque fois. On le touche et il sursaute, et il fouille ses poches jusqu’à pouvoir en sortir une pochette pleine de cocaïne, jusqu’à pouvoir la tendre à la personne à ses côtés et lui faire comprendre ce qu’elle est censée faire. Son corps tremble, lui aussi. S’il ne fait rien, le froid gagnera. S’il ne fait rien, il finira glaçon. Il faut que le froid s’arrête. Il faut juste que le froid s’arrête. Il faut que tout s’arrête. Il a pris une ligne, mais il est toujours gelé. Il en prend une deuxième, et il n’arrive qu’à imaginer que Milo va débarquer pour le sortir de là, pour pleurer et lui dire qu’il ne pense qu’à lui, pour en rire avec lui dans quelques jours, même s’il fera semblant pour lui faire plaisir. Il se prépare à en prendre une troisième, et il compte bien ignorer son cœur qui se serre doucement, les tics nerveux de son corps, et la chaleur qui lui monte aux joues sans toucher son âme.

Pourtant, il se fige au dessus de la table, la ligne blanche dansant devant ses yeux. Il sait ce qu’il se passera s’il fait ça. Au mieux, il se réveillera à l’hôpital. Au pire … Au pire ? Sa gorge se serre brutalement, et avant de changer d’avis, il laisse tomber la paille, se lève, attrape une veste, et sort de la maison. Il marche longtemps avant de réaliser que ce n’est pas sa veste, qu’il n’a pas ses clés, ni son portable, ni ses papiers, mais ça n’a aucune importance, déjà. Il sait où il va. Il sait où il est. Il a besoin d’air. Il faut qu’il continue à marcher parce que sinon, il fera demi-tour en courant. Elle n’habite pas loin, et pourtant, ça ne lui a jamais demandé autant d’efforts, ce trajet. Elle n’habite pas loin, et pourtant, il a l’impression qu’il risque de s’écrouler dans la rue s’il n’arrive pas jusqu’à elle assez vite. Si sa chaleur ne l’enveloppe pas avant que la statue de glace ne se brise en milles morceaux coupants.

Il pensait entrer par la fenêtre, avant de se souvenir qu’elle ne vivait pas au rez-de-chaussée. Il était déjà entré dans un appartement, à ce moment là. Il n’a aucune idée de comment il a fait pour le traverser et en sortir sans que personne ne le voit. Peut être qu’ils l’ont vu. Peut être qu’il n’y avait personne. Il n’est pas certain que la lumière était allumée. Il n’est pas certain d’être encore capable de voir. Quand il frappe à la porte, le son est hésitant, faible, et il doit s’appuyer sur le seuil pour ne pas tomber avant qu’elle ouvre. Quand il entend la porte se refermer, il se dit que c’est de bonne guerre, et les deux éternelles petite voix se contredisent, l’une n’y croyant pas une seconde, l’autre heureuse qu’il récolte enfin ce qu’il sème. Mais la porte est ouverte, et Artemia lui fait signe.

C’est difficile, de se redresser assez pour pouvoir lever les yeux sur elle. Il lui faut quelques longues secondes pour réussir à focaliser son regard, pour réussir à distinguer ses traits où l’inquiétude se voit un peu trop facilement et qui ont l’air bien trop fatigués, eux aussi. La petite voix nasillarde lui dit qu’elle a ses propres problèmes, qu’elle a mieux à faire, et qu’il n’a qu’à grandir un peu. Mais c’est l’autre voix qui sort de ses lèvres à lui sans même qu’il ne le réalise, alors qu’il fait un pas en avant, alors qu’il s’approche d’elle, alors qu’il a l’impression que si elle ne le prend pas dans ses bras, il ne pourra plus jamais bouger. « Temi … » Le surnom a roulé sur sa langue comme s’il n’avait jamais cessé de le dire, la voix était tremblante, pleine de larmes, et bien trop basses, et il s’imagine aussitôt à la place d’Artemia, devant une personne dans son état, alors qu’elle a mieux à faire.

D’un commun accord, la voix nasillarde et lui font taire celle qui pleure, et son deuxième pas est plus décidé alors qu’il franchit la dernière limite entre eux, alors qu’il passe un bras autour de sa taille et qu’il se sert de son autre main pour claquer la porte derrière lui, alors qu’il pose ses lèvres sur les siennes dans l’espoir de lui voler un baiser passionné, dans l’espoir que la chaleur corporelle lui suffira, dans l’espoir qu’il puisse encore la traiter comme tout le monde, qu’elle puisse encore le traiter comme tout le monde, dans l’espoir qu’elle n’y voit que du feu. Mais le baiser ne fait que le geler un peu plus, tandis qu’il pensait lui voler son feu, et il ne réalise pas tout de suite que c’est sans doute lui qui la glace.
(c) AMIANTE
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Artemia C. Smeraglia

14.04.21 0:18

« The wounds that never heal can only be mourned alone. »
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Elle a la gorge nouée avant même qu'il n'entre dans son appartement. Quand elle referme la porte, une seconde avant de la rouvrir, une terrible pensée la traverse et elle se dit qu'elle n'a pas à ouvrir, qu'elle n'a pas à le laisser entrer, que le voir comme ça va la briser en deux. Elle ouvre quand même. Bien sûr qu'elle ouvre quand même. Elle est encore mordue par le souvenir de la nuit passer à hurler dans son oreiller alors qu'il lui faisait des adieux numériques. Elle ne se pardonne pas de n'avoir rien fait, ce jour-là. Elle ne se le pardonnera jamais. Elle ouvre quand même.

Elle a les mains moites avant même d'avoir réussi à fermer derrière eux. Elle le voit trembler, vaciller devant elle ; elle voit ses yeux déformés et sa lèvre qui tressaute, cette odeur d'alcool et ce rouge à lèvres sur le col de son t-shirt. Elle se dit qu'elle mérite mieux. Qu'elle mérite quelqu'un qui voudrait vivre. Qui voudrait vivre avec elle. Mais elle a Dante ; depuis toujours, elle a Dante, et elle n'a que lui, et quand elle le voit comme ça elle se dit que peut-être qu'il n'a qu'elle lui aussi. Elle aurait voulu quelque chose de facile, mais elle commence à comprendre qu'elle n'aura jamais rien de facile. Il la regarde et il lui transperce le cœur. Elle tend la main vers lui.

Quand il emploie instinctivement le surnom qu'il lui réservait quand ils étaient enfants, elle comprend ce qu'elle avait sous le nez et qu'elle ne voulait pas voir. Elle aurait dû reconnaître les signes, pourtant. Elle a vu ce genre de désespoir trop souvent dans le corps de son cousin. Elle reconnaît le bord du précipice. Elle attrape sa main et l'attire vers elle comme si elle pouvait l'empêcher de sauter — comme si elle avait jamais pu l'empêcher de faire quoi que ce soit. C'est lui qui s'agrippe à elle pourtant, qui joint ses lèvres aux siennes comme pour lui voler tout l'air de ses poumons et elle lui rend son étreinte comme elle lui rend son baiser, avec tout le courage qu'elle peut rassembler. Ses mains s'agrippent à son dos, à sa nuque, à son cou alors qu'elle se met sur la pointe des pieds pour rester à sa hauteur, pour le toucher un peu plus, un peu plus fort. Son pouce caresse la racine de ses cheveux, elle embrasse sa mâchoire, son cou, son menton, et quand elle ne peut plus respirer elle s'éloigne de lui sans rompre leur étreinte.

Elle s'apprête à lui dire quelque chose — quelque chose comme « tu as eu une nuit difficile, Dante ? » ou bien « la soirée était mauvaise ? » mais elle ne se sent pas la force de dédramatiser. Ce n'est peut-être pas le moment de dédramatiser. Elle n'en a pas envie. Elle a envie de pleurer avec lui. A la place, elle serre les dents.

Elle reprend sa main pour le tirer vers elle vers la salle de bains. Elle a fait trop de soirées pour oublier la sensation de saleté qui vient avec la fin de celles-ci ; elle a fait trop d'angoisses pour ne pas se rappeler que l'eau emporte tout avec elle. Il lui semble qu'il la suit comme un robot ; ce n'est que quand elle lui tourne le dos qu'elle arrive à souffler :

« Ca va aller... Ca va aller. »

Ca va aller. Elle fera tout pour que ça aille. Il ne sera jamais seul tant qu'elle sera là, elle ne le laissera plus jamais seul, parce qu'elle a beau continuer de le haïr elle se rappelle pourquoi elle l'a aimé un jour. Elle le pousse dans la salle de bain, ses yeux plongés dans les siens sans arriver à comprendre ce qu'elle y lit. Elle enlève son chemiser, se retrouve à demi nue contre lui, l'embrasse encore. Cette fois, elle espère pouvoir lui donner l'air qu'il voulait lui voler un peu plus tôt. Elle n'arrive plus à s'arrêter de le répéter. Ca va aller. Ca va aller. Elle réfléchit déjà à ce qu'elle doit faire. La baignoire, déjà. Il faudra qu'elle attende qu'il se calme un peu. Ensuite, un morceau de canapé et leurs deux peaux inséparables, et puis elle lui demandera ce qu'il y a. Faites que ça l'aide. S'il y a quelqu'un, quelque part, faites qu'elle sache l'aider. 

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Dante Motisi-Smeraglia

14.04.21 0:53
Il n’aurait pas dû venir. Elle n’aurait pas voulu l’autre option. Elle a l’air d’avoir peur. Elle n’a pas peur de lui. Les informations passent dans sa tête sans jamais s’y arrêter assez longtemps pour qu’il ne les saisisse, et il saisit la main tendue pour l’embarquer avec lui, pour l’entraîner dans sa chute, pour lui voler de la vie et la laisser à moitié morte. Elle ne devrait pas avoir à subir cela, Artemia. Il n’avait jamais souhaité faire plus mal à quelqu’un qu’à elle, et pourtant il n’aurait jamais supporté de la voir sombrer comme il l’avait fait. Elle lui rend son baiser et il pose ses mains tremblantes sur sa peau et il lui semble qu’il touche un peu plus le sol et que son corps lui appartient un peu plus, mais il ne cherche qu’à le perdre alors qu’elle y réveille des sensations, alors que la glace refuse de fondre et refuse d’arrêter de l’étouffer, et les mains qui s’accrochent à lui deviennent une ancre entre lui et le monde réel. Une minute de plus, et il se serait sans doute écroulé. Une minute de plus, et ils s’écrouleront ensemble.

Elle s’éloigne et lui essaye de la rattraper mais elle s’échappe, elle est déjà passée à autre chose, elle a déjà un plan, et lui pensait s’oublier en se perdant sur sa peau, en fondant en elle, en espérant disparaître et faire partie d’autre chose, de quelque chose de plus grand, de quelque chose de plus beau, de quelque chose de vivant. Elle devient air et il ne peut plus la toucher, déjà, alors même que sa main est déjà dans la sienne, alors même qu’il la suit mécaniquement. Il aurait voulu lui faire murmurer son nom avec du plaisir dans la voix, parce qu’il sait que la seule manière dont elle risque de sortir sinon, c’est avec la voix d’une personne au cœur brisé, d’une personne déçue, d’une personne inquiète, avec de la pitié et des larmes et de la colère, et c’est sans doute tout ce qu’il mérite mais s’il pouvait la rendre heureuse, même un petit peu, même une minute, même aussi superficiellement que par la peau et le corps, peut être qu’il pourrait trouver un répit, peut être qu’il pourrait accepter de respirer jusqu’à la prochaine fois.

Ce n’est pas son nom, qu’elle prononce, pourtant, et un rire vide s’échappe de ses lèvres tandis qu’il voulait prononcer un « oui » assuré et qu’il n’a même pas réussi à faire semblant de mentir. La main de sa femme est brûlante dans la sienne, et ses yeux se fixent sur l’anneau doré qui enserre son annulaire pendant qu’il essaye de se souvenir du jour où il s’était senti si proche d’elle, du jour où elle avait été une guerrière flamboyante, du jour où elle lui avait donné du courage, mais il n’arrive qu’à voir le boulet au pied et les barreaux qui l’entourent et qu’elle avait voulu détruire. Elle le pousse dans la salle de bain et il sursaute un peu en attrapant de nouveau son regard, et il essaye de sourire mais rien sur son visage ne bouge à part les tics nerveux, et ses yeux se remplissent de larmes qui sèchent aussitôt, comme si eux non plus ne savaient plus ce qu’il fallait faire.

Il ne l’a pas vue enlever sa chemise, et quand la réalité revient le frapper, c’est le feu qui sent contre sa peau, et il a un mouvement de recul immédiat, rompt le baiser, et la regarde. Elle est magnifique, Artemia. Elle est magnifique et il la rend triste. Elle est magnifique et elle n’a jamais cessé de s’inquiéter. Elle est magnifique et il devrait penser à elle. Il essaye, un peu. Il retire son t-shirt avec des gestes hésitants, il s’approche pour poser un baiser sur son front, et il murmure les mêmes mots sur un ton trop vide, trop neutre, trop mort. « Ca va aller … » Sa gorge avale la dernière syllabe, et il déglutit en sentant le froid de nouveau, et il grimpe dans la baignoire en lui prenant la main pour qu’elle le suive, pour qu’ils se noient tous les deux. Tant pis pour son pantalon. Tant pis pour celui d’Artemia. Tant pis pour tout, tandis qu’elle revienne, tandis qu’elle ne lâche pas sa main, tandis qu’elle le suive, tandis qu’elle le retienne. « J’ai f… froid. » Les tremblements ne s’arrêtent pas, et il n’est pas sûr qu’ils diminuent.

Sans prévenir, il lâche la main de la brune, et son corps s’écroule aussitôt, preuve de plus qu’il ne tenait que grâce à elle. Il doit avoir l’air bien pitoyable, accroupi dans la douche, le visage entre ses bras, mais il ne peut plus respirer du tout, cette fois, et il voudrait crier mais sa voix est bloquée, et il voudrait pleurer mais les sanglots viennent sans les larmes, et la voix de celle qu’il a toujours aimé et toujours haï tourne dans sa tête et plus rien, plus rien n’a de sens. « Non ça va … pas aller … J’ai … froid … J’ai … tout le temps … froid … T … Temi pourquoi j’ai … tout le temps froid ? » Ca n’a plus de sens, déjà. Les effets positifs de la drogue ont définitivement foutu le camp, et il ne reste plus que le fouillis, plus que l’angoisse, plus que le raz-de-marée et les icebergs qui grossissent en même temps qu’ils fondent. Ca n’ira jamais mieux. Ca ne va jamais mieux. Les gens partent et ne reviennent pas et d’autres gens partent et ne reviennent pas et ça ne peut qu’augmenter. Mais pourtant elle, elle est revenue. Il n’aurait pas dû lâcher sa main. Il n’aurait pas dû venir. Il se serait noyé partout, pourtant. Elle peut l’ancrer, ici. Il veut bien qu’elle l’ancre, elle.
(c) AMIANTE
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Artemia C. Smeraglia

14.04.21 22:23

« The wounds that never heal can only be mourned alone. »
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Elle n'arrive pas à le lâcher des yeux. Elle le parcourt du regard comme si elle le caressait de ses mains, comme si elle pouvait le toucher et l'apaiser juste avec ses yeux. Elle sait bien que c'est peine perdue, mais elle ne peut pas s'empêcher de le regarder. Dans un moment comme celui-là, il a l'air au bord du précipice, et un instinct viscéral la pousse à absorber tout ce qu'elle peut de lui avant qu'il ne disparaisse en poussière entre ses doigts. Elle le regarde retirer son t-shirt, satisfaite de ne pas avoir à le faire elle-même — aurait elle seulement pu ? — et elle le regarde encore, maigre et pâle et couvert de ces gribouillis sombres qu'il affectionne tant. Son regard s'arrête sur le petit livre qu'il semble avoir dessiné lui-même en étant un peu ivre, celui qu'elle reconnaîtrait encore mille, et son cœur se serre. Elle donnerait tout ce qu'elle a, tout ce qu'elle est, pour le ramener à cette époque où tout allait bien. Cette époque où elle ne l'avait pas encore perdu, où elle ne l'avait pas encore laissé se perdre.

Elle est presque surprise quand il se rapproche d'elle, quand il l'embrasse sur le front dans un vain effort de la rassurer. Ce n'est pas son rôle à lui. Ce n'est pas lui qui doit la protéger. C'est elle, ce soir et tous les autres soirs, le rempart entre Dante et lui-même. Elle sourit néanmoins, savoure une seconde la douceur de ce baiser qui paraît futile au milieu des enfers qu'ils traversent, ferme les yeux. Et puis Dante escalade la baignoire, se vautre dedans, l'entraîne avec lui, et elle aura sûrement un bleu demain matin là où son genou a heurté l'émail mais tout ce qu'elle se dit c'est qu'elle doit éviter de lui tomber dessus. Il grelotte déjà.

Son regard se trouble quand elle l'entend sangloter, se fermer au monde et s'enterrer dans la paume de ses mains. Son corps s'agite et il transpire par dessus la chair de poule qui recouvre sa peau. Bénissant celui qui a doté son appartement d'une baignoire si grande, elle se glisse derrière lui en murmurant des paroles qu'elle espère apaisantes mais qu'elle n'arrive pas elle-même à comprendre. Jamais son corps ne rompt contact avec celui de son époux. Elle le touche, le caresse, laisse couler l'eau froide de l'autre main jusqu'à ce que l'eau chaude commence à fumer dans l'air.


« Viens... Viens là. »

Elle l'attire doucement contre elle, ignorant la sensation désagréable du tissu mouillé qui se colle à sa peau, murmure à son oreille jusqu'à ce que son corps lâche et qu'il veuille bien se rapprocher d'elle. L'eau est chaude et son corps l'est encore plus, et elle donnerait tout ce feu qu'elle a retrouvé pour faire fondre une once de la glace qui enserre son compagnon de toujours. Elle embrasse ses cheveux, sa nuque, ses épaules, l'entoure de ses bras, le berce contre elle. Autour d'eux, le niveau de l'eau monte doucement.

Au milieu de l'angoisse, elle ne s'est jamais sentie autant à sa place. Peut-être parce qu'elle l'a déjà trop fait, de bercer un Dante en larmes contre elle, ou peut-être parce qu'elle sait s'oublier complètement quand il a besoin qu'elle le serre contre elle. Elle n'existe plus, elle ne souffre plus, il n'y a que lui, que leurs peaux qui se réchauffent et son corps dans ses bras. Elle oublie Jake et elle oublie la mairie, elle oublie les scandales, la presse, le mariage arrangé, Jonna, la dispute, les tentatives de suicide, le diagnostic, le baiser devant l'autel, elle oublie tout. Elle n'a besoin d'aucune alliance pour le serrer dans ses bras. Elle le faisait déjà quand ils étaient enfants ; elle le soignait quand il tombait d'un arbre, le rassurait quand il faisait des cauchemars, lui prenait la main quand il frissonnait alors qu'elle lui lisait des histoires d'horreur. Dans ces moments-là, ses propres blessures et ses propres cauchemars n'existaient plus. Il n'y avait que lui. Il n'y aurait toujours que lui.

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Dante Motisi-Smeraglia

14.04.21 23:01
Il ne voit plus, n’entend plus, ne sait plus où il est ni qui il est, et il lui semble que son corps s’envole alors même qu’il le garde trop fermement sur terre. Il essaye de s’enfoncer plus profondément encore en lui-même alors qu’il voudrait s’évader de sa peau, de sa tête, de ses pensées et de ce monde. Il ne devrait pas être là. Il ne devrait pas lui faire subir ça. Plus tard, il réalisera sans doute qu’elle doit penser à Hannibal, qu’elle doit avoir mal au cœur et à l’âme, qu’elle doit avoir envie de s’enfuir, qu’elle doit en avoir assez de s’occuper de ses problèmes à lui quand il ne fait visiblement aucun effort pour les régler. Plus tard, peut être. En cet instant, il ne parvient à penser qu’à lui, et il saura toujours que c’est ce qu’il est, de toute façon, et que l’égoïsme peut être caché mais jamais oublié.

Le feu de son corps rencontre la glace et il frissonne un peu plus fort, mais ses mots s’insinuent doucement dans sa prison et il essaye de les entendre au dessus de sa respiration, de sentir le contact au dessus du froid, pendant quelques longues minutes avant d’y parvenir. Il a envie de lâcher l’affaire encore et encore, mais elle le rapproche, l’eau coule sur lui, et si les sanglots semblent incapables de se calmer, son corps au moins perd de sa raideur alors qu’il s’habitue à celui de la brune, alors qu’il se colle à elle, alors qu’il commence à sentir ses baisers et avoir, peu à peu, un peu moins froid. Il lui semble que retirer son visage de ses mains lui demande tous les efforts du monde, mais doucement, il se retourne.

Ses mains glissent entre eux pour passer dans le dos d’Artemia, et ses bras l’entourent doucement avant de serrer, peut être un peu trop vite, peut être un peu trop fort, mais son souffle est court et l’eau monte et il a l’impression qu’il ne sait pas nager et qu’il n’y a qu’elle qui peut être sa bouée. Le visage qu’il n’avait pas réussi à redresser pour la regarder vient se poser sur sa poitrine et il hoquette un peu, comme si les sanglots luttaient pour exister et se faire entendre, ou pour que les larmes suivent le mouvement et se fassent voir.

Il se passe de longues minutes, et ça lui semble être des heures, avant que le haut de l’iceberg se déleste d’un bloc de glace, mais il sursaute quand cela arrive parce que l’eau fond et la baignoire est déjà presque remplie et où est ce qu’elle pourra aller, alors ? Il n’a pas le temps d’y réfléchir que la première larme coule, puis la deuxième, et c’est une cascade qui se déverse sur les vêtements déjà trempés d’Artemia tandis qu’il refuse de la lâcher, tandis qu’il refuse de la laisser voir. Il a souvent pleuré devant elle, pourtant. Mais elle ne l’avait pas vu pleurer depuis. Elle ne l’avait pas vu pleurer comme un adulte. Elle ne l’avait pas vu pleurer pour de vrai. S’il peut au moins lui épargner cela, il peut faire ce sacrifice d’égoïsme.

« Ca va aller … » Il ne sait pas s’il le dit pour elle ou pour lui-même, mais c’est à son tour de le répéter comme un mantra, et peu à peu, les larmes s’assèchent et les sanglots se font petits hoquets, puis silence. Peu à peu, son corps se colle un peu plus à celui de sa femme, et la chaleur fait trembloter l’iceberg. Il ne s’écroulera pas. Il ne s’écroulera sans doute jamais. Mais il ne grossit plus, pas pour l’instant, pas aujourd’hui, pas ce soir, au moins, et le soupir qui s’échappe de ses lèvres pourtant closes exprime tout le soulagement du monde tandis qu’il est encore incapable de la lâcher.

Un instant passe avant qu’il n’accepte de bouger de nouveau. Le silence les berce tandis qu’elle le berce, et il reste contre elle, caché, détruit, ne souhaitant que rester là pour toujours, ou au moins jusqu’à pouvoir se reconstruire. Il ne peut pas la tenir prisonnière plus longtemps, pourtant. « Je … » Sa voix est rauque. Il ne sait même pas ce qu’il voulait dire. Un petit rire triste vient remplacer le soupir de soulagement et il redresse son visage juste assez pour le mettre dans le cou d’Artemia et y poser un baiser. « Merci. Ca va … Ca va aller. » Ca n’ira sûrement jamais vraiment. Le vide est toujours là, et il n’a fait qu’un petit pas en arrière, mais il sait qu’elle lui tient la main, et qu’il n’a pas envie de l’entraîner avec lui.

La dernière larme tombe sur la clavicule de la jeune femme et c’est le signe qu’il lui fallait pour se redresser, juste un peu, juste le temps d’arrêter l’eau avant qu’elle ne les noie, juste le temps d’essayer de se reconstruire en étant trop conscient que c’est encore trop tôt. Il ne voulait pas la lâcher. Sa main, d’ailleurs, s’est automatiquement accrochée au bas de son t-shirt tandis qu’il s’éloignait. « Désolé. Je … Je sais pas ce qu’il m’a pris. J’ai dû abuser des bonnes choses, un peu. Ca va mieux maintenant. C’est … gentil d’avoir aidé. » Ils ne savent pas faire cela. Ils ont oublié comment se comporter quand ce n’était pas l’un contre l’autre ou ensemble contre quelqu’un d’autre. Il ne sait plus comment la voir quand il n’y a pas de conflit. Il ne sait pas comment exprimer de la gratitude à un visage qu’il a tant haï. Alors il reste assis dans la baignoire, le poing serré sur le bas de son t-shirt, le regard ailleurs, le souvenir du froid sur son corps et du chaud sur ses lèvres.
(c) AMIANTE
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Artemia C. Smeraglia

14.04.21 23:32

« The wounds that never heal can only be mourned alone. »
I
'm
a little
unsteady

Les minutes coulent dans le semblant de silence qui les unit, Dante et elle. Artemia ne les compte pas. Plus rien ne compte que les cheveux de son mari qui lui chatouillent le menton, que ses mains qui se crispent et se décrispent sur sa peau, que son souffle qui semble s'apaiser avant de se perdre de plus belle. Elle voudrait pouvoir faire plus. Chasser les maux de son crâne alors qu'elle les embrasse. Les prendre en elle pour les tuer doucement s'il ne peut pas le faire lui-même. Elle se déteste ; elle le déteste. Elle déteste ce sentiment d'impuissance qui la paralyse et la terrifie, elle déteste devoir rester les bras croiser et espérer chasser des fantômes avec des promesses. Elle déteste qu'il ne veuille pas s'aider, qu'il ne veuille pas céder. Elle déteste d'être encore là, après tout ce temps, prête à souffrir pour lui ou avec lui après avoir tant souffert à cause de lui. Elle le déteste tant qu'elle le serre plus fort contre elle, comme s'il pouvait rentrer son grand corps dans le canyon qu'il a creusé entre ses côtes pour qu'ils soient finalement complets, invincibles. Elle embrasse le sommet de sa tête, une fois de plus.

Quand il bouge le cœur d'Artemia rate un battement. Est-ce que c'est fini ? Elle a pleuré — ou alors, son visage a été éclaboussé, elle ne sait pas. Est-ce qu'il va s'en aller, la laisser éparpillée sur le carreau cette fois comme tant d'autres avant elle ? Il bouge et elle resserre ses bras autour de lui pour le maintenir contre elle, une seconde, une seconde pendant laquelle c'est elle qui a besoin de lui pour se sentir encore vivante et encore un peu digne. Une seconde après il se retourne contre elle pour venir s'appuyer sur sa poitrine et elle laisse échapper peut-être un soupir peut-être un souffle, en tout cas un peu d'air qui l'étouffait. Elle remonte un bras contre lui, caresse ses cheveux quelle touche si rarement puisqu'ils plafonnent généralement trois têtes au dessus d'elle, s'assure qu'il n'a plus froid en le serrant encore.

Et puis une digue rompt et il se met à pleurer. Ses larmes se mêlent à l'eau chaude qui les entoure, roulent sur leurs peaux, et peut-être qu'Artemia est un peu soulagée parce que s'il pleure ça veut dire qu'il respire. Elle l'entend à peine et pourtant à chaque fois son cœur se fend alors qu'il lui répète les mots qu'elle employait quelques minutes plus tôt pour le rassurer. Elle se rend compte à quel point ils sont vains maintenant qu'ils s'adressent à elle, alors qu'elle voudrait lui dire qu'elle ne s'inquiète pas mais que leur étreinte qu'elle voudrait douce et rassurante s'est muée en étau désespéré. Elle voudrait qu'ils restent ainsi pour toujours, puisqu'elle peut le toucher et le sentir et qu'elle ne sait jamais vraiment quand ce sera la dernière fois.

Le moment passe et se termine comme toujours à l'initiative de Dante. Sa voix éraillée rompt le silence et elle se raidit quand il la remercie. C'est inhabituel. Ca sonne étrangement, entre eux. Il ne dit pas souvent merci. Pour ce simple mot, tout en valait la peine. Pour ce simple mot, elle se déteste un peu moins. Il embrasse sa clavicule alors qu'elle arbore un sourire crispé, et elle voudrait le retenir là encore un peu mais il se redresse et elle se sent subitement très nue, trempée et vêtue simplement de son pantalon qui lui colle à la peau. Il s'éloigne sans vraiment la lâcher, tente de dédramatiser la situation en accusant les multiples pilules qu'il a dû ingérer un peu plus tôt. Elle le regarde sans vraiment savoir quoi lui dire.

« Tu devrais enlever ton pantalon. »

Il porte un jean et doit être encore moins à l'aise qu'elle. Elle ne peut qu'imaginer qu'il serait mieux sans. Peut-être qu'elle cherche aussi un prétexte pour qu'il ne quitte pas encore la pièce. Ils ne se sont pas lavés. C'est tout ce que son cerveau fatigué arrive à formuler comme pensée. Ils ne se sont pas lavés.

« Il faut que je me lave. »

Il sont raides, empotés, gênés. Rien ne fonctionne comme cela devrait. Ils n'ont jamais rien rendu facile. Il ne la lâche pas, pourtant, et après tout ce temps elle sait reconnaître le mensonge sur son visage. Ca va mieux, mais à peine.

« ...Tu m'aides ? »

L'hésitation transparaît probablement dans sa voix. Elle se rappelle du remerciement qu'il lui a adressé il y a quelques secondes, de la chaleur que celui-ci lui a procuré. Peut-être que lui aussi, il voudrait se sentir utile. Ou alors, peut-être qu'il voudra juste en profiter pour la toucher, et ce sera bien aussi.

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Dante Motisi-Smeraglia

15.04.21 0:06
Elle ne veut pas le lâcher, et il ne s’en rend pas compte. Son cerveau lui intime de fuir l’étreinte et de ne plus être faible, d’être un grand garçon et de prendre sur lui, de prendre uniquement ce dont il a besoin et de s’éloigner avant de prendre trop et de la laisser vide sur le parquet sans penser à se retourner pour dire au revoir et voir qu’elle ne respire plus. Sans le vouloir. Son cerveau essaye de le passer en autopilote quand les larmes sont taries et de lui donner un mensonge, mais il n’est pas crédible, et il ne fait même pas l’effort de sourire en le disant, mots trop de fois répétés sur le même ton pour jamais sonner vrais à ses oreilles de toute façon. Elle ne le croit pas. Artemia, elle voit à travers lui comme il voit à travers elle, et pendant une minute, il soutient son regard et y voit toute la fatigue qu’il a pu y planter. C’est d’un pardon dont elle aurait besoin, pas d’un merci. Mais s’excuser serait hypocrite, et elle a toujours mérité mieux que l’hypocrisie. Un mensonge bien formé ou la vérité nue. Ce soir, ils devaient être nus, alors.

Il baisse ses yeux sur son pantalon quand elle en parle et réalise enfin qu’il ne l’a pas quitté, et que cela explique sans doute pourquoi il a tant de mal à sentir ses jambes. Il voit ses mains et ses bras et il se rend compte qu’il est presque translucide et qu’il serait temps d’arrêter d’oublier des repas parce que son corps n’est pas capable de gérer sans lui, et il se surprend à ne pas vouloir qu’elle le voit sans ses vêtements, à vouloir cacher son corps et le livre et son âme avant qu’elle ne comprenne qu’il ressemblait déjà à un fantôme. Mais Artemia parle de nouveau, et Dante sort de sa tête pour aller à sa rencontre sans pouvoir s’en empêcher, ses yeux agrippant ses lèvres pleines qui bougent.

Une affirmative, puis une interrogative, et pendant une demi-seconde, il n’y a que le silence qui lui répond alors que Dante cligne un peu des yeux et essaye de lier les phrases entre elles. Elle n’a sans doute pas besoin de lui pour se laver. Elle a sans doute besoin de dormir plus que de se laver. Il comprend, à force, qu’elle lui propose de revivre en la touchant, de revivre en faisant quelque chose qui pourrait lui faire du bien, même si c’est quelque chose d’aussi trivial que de lui laver les cheveux, et il acquiesce doucement comme un enfant qui hésiterait à prendre la dernière part de gâteau.

Son corps se rapproche de nouveau et sa main relâche Artemia uniquement pour pouvoir lui retirer son pantalon doucement, comme s’il avait peur de la casser, tremblant un peu moins comme pour lui faciliter la tâche. C’est affreusement lent, et il n’est pas sûr d’avoir réussi à le faire correctement même quand le pantalon retrouve le sol de la salle de bain, parce que rien de tout cela ne semble naturel ou que tout semble trop naturel. Il s’aide du rebord de la baignoire pour se lever lentement, pour être certain que ses jambes le portent avant de se battre avec son jean, puis de glisser et de créer un petit raz-de marée en retombant dans la baignoire. Au moins, le pantalon est dans sa main, et plus sur lui, alors il peut aussi retrouver le sol de la salle de bain. « Aïe. » C’est plus un petit grognement qu’un vrai son de douleur, pourtant. Il aura sans doute un bleu sur la fesse. Le monde ne tourne qu’un peu, alors ce ne sera pas très grave.

Dante se glisse derrière Artemia pour entourer son corps trop petit de son corps trop grand, et ses bras passent autour de sa taille pour attraper la bouteille de shampoing et en verser une trop grande quantité directement sur le crâne de la brune. Le savon coule et lui essaye de le mettre dans les cheveux correctement, mais c’est maladroit, malhabile, et il n’arrive qu’à s’assurer qu’il n’aille pas dans ses yeux et créer de nouveaux nœuds bien trop épais dans les mèches souples. « Merde. Non. Pas là. Mais putain. Il va falloir raser. » Les mots essayent de sortir naturellement, mais ils ont du mal, eux aussi, à se comporter normalement. Ils ont tous du mal à se comporter normalement. Qu’est ce qui est normal, entre eux ? Pas grand-chose, sans doute.

Ca prend peut être des heures, peut être des minutes, mais ses mains explorent chaque mèche de cheveux et chaque parcelle de peau pour les frotter doucement, pour les caresser, autant que possible avec la main intacte pour ne pas créer de sensation désagréable. Il se concentre sur les mouvements du corps de sa femme et sur sa respiration et pour une fois, il lui semble qu’il n’a pas besoin de combler le vide, pas besoin de bouger, pas besoin de réellement exister. Il n’y a plus de Milo, plus de Hel, plus de maison vide et de glace, plus de douleur ou de vide, plus d’envie d’en finir et de masque pour ne pas le faire ou pour ne pas qu’on l’empêche de le faire. Il n’y a plus que la peau d’Artemia comme continent, comme planète, et ses mains pour la peupler. « Ferme les yeux. » Il prend le pommeau de douche lentement, et efface tout son travail en la rinçant aussi bien que possible, la pression de l’eau au minimum. Le raz-de-marée nettoie le continent qui n’a pas besoin de quoique ce soit pour survivre, qui existe par lui-même, qui ne peut pas être possédé, peu importe à quel point il le souhaiterait.
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Artemia C. Smeraglia

29.04.21 19:58

« The wounds that never heal can only be mourned alone. »
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Il y a longtemps qu'Artemia ne s'est pas sentie à l'aise dans l'intimité qui se crée parfois entre Dante et elle. Cela fait si longtemps, même, qu'elle se demande si la dernière fois ne remonte pas à leur enfance. A leurs jeux innocents sur les matelas des chambres d'amis, ou à leurs enlacements maladroits dans l'herbe du jardin. Aux secrets qu'ils se confiaient parfois au cœur de la nuit. Ils étaient à l'aise, en ce temps là. Alors que Dante caresse son crâne et qu'elle essaie d'ignorer les frissons qui la parcourent, elle tente de se rappeler de ce que cela faisait, d'être à l'aise avec lui. De ne pas se sentir un peu raide, un peu sur ses gardes ; de ne pas être prête à bondir au premier signe de danger, prête à mordre à la première griffure. Elle sent qu'elle le devrait, pourtant. Qu'elle le pourrait. Qu'il est vraiment là pour laver ses cheveux et son âme, pour quelques minutes de paix pendant lesquelles ils pourraient redevenir des enfants innocents qui s'aiment sans douleur.

Elle sent bien que rien ne se passe comme il le voudrait. Dans sa vie comme dans son activité de démêlage. Qu'il voudrait faire mieux, qu'il voudrait arriver à un résultat satisfaisant, au moins pour lui, alors que tout semble lui glisser entre les doigts pour former un agglomérat de nœuds dont il ne sait pas se défaire. Elle ne réprime pas un sourire pourtant quand il grogne et s'applique à sauver sa chevelure, quand il propose de tout raser et qu'elle rit cette fois sans se cacher. Il ne rase pas, pourtant. Il ne détruit pas tout sur son passage dans sa frustration puérile. Il répare et défait pour refaire et avec toute la patience du monde il désemmêle ses cheveux jusqu'à ce qu'elle les sente lisses et légers dans son dos.

Elle s'attend à ce que le moment s'arrête là et elle ferme les yeux pour le faire durer un peu plus longtemps, mais il s'attelle à caresser son corps plein de savon et elle laisse sous la traînée brûlante de ses mains ses tensions s'écouler. Jamais n'a-t-il pris soin d'elle comme cela. Jamais personne n'a-t-il pris soin d'elle comme cela. Elle se surprend à penser qu'elle pourrait s'y habituer — repousse cette pensée atroce et douloureuse qui ébrèche son armure, laisse son époux passer en dessous et toucher son cœur au risque de lui permettre de le tailler en deux. Il n'y aura jamais d'habitude, avec Dante. Jamais de confort, jamais de tendresse, jamais de confiance ; seuls des moments volés à leur rancœur entre leurs bravades.

Il lui ordonne de fermer les yeux et elle se plie à sa commande. Elle n'existe plus le temps de ces quelques minutes, elle n'est qu'une poupée de chiffons entre ses mains et elle s'oublie dans l'eau qui coule sur sa peau. Elle frissonne quand il effleure la cicatrice qui marque ses côtes, son dos, celle qu'elle n'aime pas montrer, celle de quand elle est tombée de l'arbre le plus haut du jardin. Elle se laisse emporter par la cascade chaude qui dévale ses reins.

Elle doit être tout à fait rincée maintenant et il va falloir qu'ils sortent et qu'elle enroule Dante dans une serviette et puis dans un plaid et qu'elle lui attrape des céréales ou du chocolat et il va falloir qu'elle redevienne Artemia à l'armure sur laquelle il peut s'appuyer.

« Merci. »

A la place, elle se rapproche un peu de lui, attrape une de ses mains — celle qu'il a brûlée, apparemment —, la caresse du bout du pouce. Il a l'air de respirer normalement. La concentration lui a fait retrouver un semblant de calme.

« Tu veux manger quelque chose ? »

Elle n'ose pas bouger. Pas encore. Un, deux, trois. Elle lève la tête vers Dante, cherche son regard. Elle ne le laissera pas quitter l'appartement comme ça. Pas sans lui avoir parlé. Pas sans avoir perdu ce goût amer au fond de la gorge, celui d'avoir été utilisée pour être jetée une fois usée.

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Dante Motisi-Smeraglia

29.04.21 23:16
Elle sourit, elle rit, et il lui semble qu’elle se détend sous ses doigts, et son estomac s’allège au moins un petit peu à cette idée. Peut être que s’ils restent comme ça, rien de mal ne peut arriver. Peut être que s’il la nettoie pour toujours, lui ne se sentira plus jamais sali. Peut être qu’il y a toujours un espoir, pour eux, tant que cette baignoire leur sert de berceau et qu’ils peuvent flotter dans l’eau tous les deux, comme s’ils n’étaient jamais nés, comme si la vie n’avait pas décidé de leur livrer son lot de malheur habituel. Peut être qu’il pourrait l’enfermer dans ses bras et ne jamais la laisser partir, la faire prisonnière de cette prison d’acier, enchaînée à lui jusqu’à la fin des temps parce qu’une mèche de ses cheveux est entourée autour de sa main. Ou peut être que c’est lui qui reste prisonnier, accroché à la vie par cette ligne fine et brune de laquelle il n’ose pas se démêler. Pourtant il le faut. Pourtant il aperçoit des frissons sur les épaules d’Artemia et son corps détendu se redresse peu à peu, tant bien que mal, mécaniquement. Pourtant le masque et l’armure doivent être remis, même s’ils sont fatigués, même s’ils sont à bout de force, et cette baignoire n’est qu’un petit coin de paradis dans lequel ils n’ont pas le droit d’être, parce qu’il est le serpent et elle la pomme et qu’elle ne doit pas être touchée ou attaquée et qu’il ne devrait pas être là, avec elle, à la ruiner, et à emporter le monde avec elle dans sa chute.

Ses doigts rencontrent une bosse qu’il ne pensait pas trouver là, et pendant une seconde, il oublie le moment à ne pas penser tandis que ses yeux rencontrent une cicatrice, tandis qu’il la trace et la retrace précautionneusement, comme pour la graver dans sa mémoire, comme pour l’ajouter à tous ses dessins. Ses lèvres forment un « C’est quoi, ça ? » clair mais embrumé, et il n’est pas sûr d’attendre une réponse tandis qu’il continue de la toucher. Il devrait arrêter. Il va éteindre son feu. Elle va être gelée. Il a du mal, pourtant, et il fait durer son plaisir, égoïste jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus faire semblant de ne pas avoir remarqué, jusqu’à ce que sa peau soit froide malgré l’eau chaude. Alors, à contre cœur, il la coupe, et le merci de sa femme flotte entre eux quelques secondes, seulement pour être rejoint par le sien et aller s’écraser contre le mur. « Merci. »

Il a du mal à revenir à la réalité, mais elle l’ancre, sa main touchant la sienne, et il vérifie d’un regard qu’il n’imagine pas le contact trop mince, les nerfs trop peu sensibles l’empêchant d’être sûr. Il voit son pouce la caresser et il a un peu envie de sourire, un peu envie de pleurer. Il imagine un monde où rien ne les aurait séparés, un monde où ce moment n’aurait rien d’exceptionnel, un monde où il pourrait la laver tous les jours, un monde où rien ni personne ne pourrait leur donner l’impression qu’ils ont besoin d’une armure ou d’un masque avec l’autre. Alors qu’il l’imagine, il a l’intime conviction qu’ils ne seraient pas ceux qu’ils sont aujourd’hui dans ce monde, qu’ils se sont formés de l’absence de l’autre, et qu’aujourd’hui, il est impossible de savoir ce qu’il se serait passé s’ils étaient restés ensemble, s’ils étaient restés heureux. Il ne serait certainement pas arrivé dans cet état chez elle. Elle n’aurait certainement pas eu à le remercier. Il ne penserait peut être pas encore à lui voler tout son feu pour se tenir chaud quelques heures.

« Non. » Le mot quitte ses lèvres sans qu’il ne puisse le maîtriser, mais elle a levé la tête vers lui, alors il la baisse vers elle. Il est plus calme, déjà. Il est toujours trop fatigué pour faire semblant, pourtant. Il n’a pas envie de manger. Il n’a plus envie de boire. Il ne peut plus rester immobile dans cette baignoire, et pourtant il lui semble qu’il n’a pas été en paix à part en cet instant depuis des années. « Et toi ? » Il voudrait que ce soit elle qui rompe le moment. Il voudrait que ce soit de sa faute. Pourtant, comme des années auparavant, il ne peut pas supporter cette simple idée, et il choisit de tout briser avant qu’elle n’ait l’occasion de le faire. « Je vais te faire un chocolat. » C’est dit d’un ton décidé, mais il ne bouge pas d’un pouce. Leurs regards sont plantés l’un dans l’autre, et il lui semble qu’il la voit pour la première fois, et cette fois, il a réellement l’impression qu’elle va se casser, et qu’il aurait dû le savoir depuis longtemps.

Ses yeux se ferment tandis que son estomac se retourne à l’idée qu’elle puisse voir aussi bien dans ses yeux que lui a vu dans les siens, à l’idée qu’elle n’observe le vide et qu’elle y soit happée, à l’idée d’en voir plus sur elle et de ne pas pouvoir le supporter. A la place, ses lèvres posent un baiser sur le front brun, un baiser bien trop long, bien trop tendre, et ses bras se serrent autour d’elle sans penser à maîtriser une quelconque force. Il ne peut pas la tenir longtemps, mais il peut la tenir fort, il peut la tenir proche, il peut la tenir vraiment, et elle est la seule chose tangible dans l’univers, alors c’est déjà ça. Le moment s’arrête aussi vite qu’il a commencé tandis qu’il la repousse doucement, tandis qu’il se redresse tant bien que mal en se tenant au rebord de la baignoire, tandis qu’il tombe au sol en voulant en sortir et qu’il se relève. Une fois, deux fois, trois fois. Il rit un peu, mais il n’est pas très amusé alors qu’il a enfin réussi à attraper une serviette pour s’enrouler dedans. Il a envie de dormir sur le carrelage. Il ne pourrait pas s’endormir.

« J’y vais en rampant. » Comme pour appuyer ses dires, il noue tant bien que mal la serviette sur ses hanches et se traîne jusqu’à la porte, mais quand il arrive à l’ouvrir, il n’a déjà plus la force d’avancer, alors il reste assis dans le couloir et il s’appuie contre le mur en soupirant. « Je peux rien te faire. J’ai du whisky dans la flasque de ma veste, si tu veux. Ou on peut s’allonger là et regarder le plafond et oublier qu’on existe un petit peu. » Il ne sait plus ce qu’il dit. Les mots sont pâteux sur sa langue. La panique est partie, et il ne reste plus qu’une apathie désagréable. Il voudrait lui faire un chocolat, et se sentir au moins encore un peu utile, mais il oublierait sans doute de mettre le lait, ou il ferait exploser le micro ondes. Il voudrait la sécher, mais il vient à peine de démêler ses cheveux, et ce serait pire après. Il n’aurait pas dû venir. Ils n’auraient pas dû quitter la baignoire.
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Artemia C. Smeraglia

19.05.21 23:06


hold onto me
« THE WOUNDS THAT NEVER HEAL CAN ONLY BE MOURNED ALONE.  »
Elle n'aime pas repenser à cette cicatrice, Artemia. Le jour où elle est tombée de l'arbre le plus haut du jardin n'est pas un jour dont elle chérit le souvenir. Elle est un peu surprise pourtant quand Dante la remarque et questionne son origine. N'était-il pas là ? Elle ne se rappelle pas s'il était déjà parti à ce moment-là, s'ils étaient déjà séparés, si elle était déjà assez vieille pour avoir goûté à la vie sans lui. Elle pensait qu'il connaissait les moindres recoins de son corps, maintenant. Elle se trompait.

Il a le doigt sur la brèche vers son âme et elle sent une vague de frissons la parcourir en même temps qu'elle prend la décision de ne pas lui répondre. Elle choisira une blague, un mensonge ou peut-être les deux, et elle espère déjà qu'il oubliera et qu'il n'insistera pas. Aujourd'hui peut-être est-il assez éloigné de lui-même pour laisser sa question couler avec l'eau de la douche.

« Ce n'est rien. »

Elle ment à voix basse sans lâcher sa main. Ce n'est qu'un petit mensonge. Après tout, ça ne fait plus mal maintenant. Pas plus que les années passées sans lui, sans personne, pas plus que son reflet dans le miroir dans les plus mauvais jours ou que le poids du heaume qu'elle n'enlève même plus pour dormir. Plus rien ne fait mal quand on grandit avec. Il n'est pas là pour partager ses souvenirs mais pour qu'elle guérisse les siens. L'immensité de la tâche ne la décourage pas, alors que peut-être elle aurait dû fuir devant le rocher qui dévale la montagne encore et encore et menace de l'écraser et de l'emporter avec lui.

Elle est surprise que Dante déclare ne pas avoir faim. Elle ne sait pas si elle l'a déjà vu si maigre ou si fragile et elle sait déjà qu'elle ignorera sa réponse et le fera manger au moins un peu. Il ne semble plus se nourrir que de cachets et d'alcool, ces derniers temps, et cette pensée lui tord le ventre au moins autant que l'idée que leur moment touche à sa fin et qu'il se lève bientôt. Il demande si elle a faim, décide d'essayer de lui préparer quelque chose, reste exactement là où il est. Elle sourit, serre ses doigts sur les siens. Quand a-t-il eu un geste de gentillesse gratuite à son encontre ? Il lui semble que cette simple proposition, celle de lui faire un chocolat chaud, est la plus sincère qu'il lui ait faite depuis des siècles. Dénuée d'arrière-pensée, libre d'un plan alambiqué né dans son cerveau tordu ou d'une habitude engrainée en lui par son (manque d')éducation. Elle est touchée. Emue presque. Pas naïve. Il ne fera rien du tout. Il ne peut rien faire, ce soir comme beaucoup d'autre, et elle aura la charge de leur fin de soirée. Elle n'a pas le temps de le remercier ou de se lever en premier qu'il embrasse son front et la serre contre lui, bien plus fort qu'elle ne l'en pensait capable.

Immédiatement elle sent une boule monter dans sa gorge, irrépressible et incontrôlable et imprévisible, et ses yeux la picotent alors qu'elle perd le souffle. Elle sent sa poitrine se serrer sans comprendre pourquoi tout l'air de ses poumons ne semble plus pouvoir passer par sa gorge. Elle étouffe dans son propre corps et doit se retenir de planter ses ongles dans le dos de Dante, son mari, pour l'empêcher de la lâcher. Il la lâche et se lève, heureusement trop absorbé par sa propre démarche pour remarquer qu'elle a les yeux qui brillent. Elle déglutit, tente de dissimuler un hoquet alors qu'elle peine à reprendre son souffle ; s'il le remarque, elle dira qu'il l'a serrée trop fort.

Il ne remarquera rien, pourtant. Il tombe hors de la baignoire, tombe en se relevant et tombe encore et elle est déjà en train de sortir de la baignoire pour venir l'aider quand il rit sans joie et déclare qu'il ira en rampant comme s'il comptait encore aller quelque part. Son coeur se brise en peu quand elle l'entend suggérer qu'ils restent là, boivent encore un peu jusqu'à oublier qu'ils existent et peut-être mourir. Elle n'a pas prévu de passer la soirée sur le carreau de la salle de bains.

« Je n'ai jamais oublié que tu existais, Dante, et je ne vais pas commencer ce soir. »

Elle se penche vers lui sans se soucier de l'eau qu'elle fait tomber partout ni du froid qui la fait frissonner, et glisse un bras tendre autour de son torse. Elle doute un instant d'avoir la force de le relever, de les relever tous les deux, et avec le courage d'une femme elle tire vers elle l'homme qu'elle a épousé pour l'emporter avec elle vers le salon. lls n'y arrivent pas sans peine, et sûrement auront-ils nombre de bleus le lendemain pour rendre compte de leurs péripéties, mais ils y arrivent quand même et elle laisse tomber un Dante encore humide sur le canapé. Quelques secondes pour reprendre son souffle et elle s'empare de la serviette qu'il traînait avec lui pour lui frotter doucement la peau, les cheveux, le visage, avant de déposer un plaid presque trop chaud pour la saison sur lui.

« Chocolat ou tisane ? »

Il a le choix entre les deux, mais ce sera bien l'un ou l'autre. Il doit avaler quelque chose, et en attendant sa réponse elle attrape dans un placard une tasse qui peut-être le fera sourire - elle est bleue et arbore des babouins dorés aux fesses roses, et n'est pas d'aussi mauvais goût qu'elle pourrait l'être -  ainsi qu'un petit saladier, dans lequel elle verse quelques chips, une barre chocolatée, et une pomme laissée au frigo. Elle oublie complètement qu'elle est encore nue, bien sûr, déjà sèche grâce à la température ambiante et à l'effort qu'elle a dû fournir pour traîner Dante jusque là. Elle est trop occupée à essayer de reprendre une contenance, à essayer de reprendre les choses en main, parce qu'il faut bien que l'un d'eux garde le front haut pour sauver l'autre.
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Dante Motisi-Smeraglia

17.06.21 14:35
Il ne relève pas, n’insiste pas, se dit que ce n’est rien de plus qu’une petite blessure, une petite cicatrice, un petit élément de rien du tout. Il oublie que chaque cicatrice a une histoire, a une vie en soi, que chaque marque sur le corps est la présence physique d’une blessure du passé, une preuve que rien ne s’efface jamais vraiment, que rien ne s’oublie jamais vraiment. S’il avait été dans son état normal, il se serait sûrement dit qu’elle avait l’air de ne pas vouloir en parler, et que cela en soi était déjà très louche. S’il avait été dans son état normal, il se serait souvenu que lui aussi n’avait jamais cessé de mentir sur ses cicatrices, de prétendre avoir fait un choix idiot en soirée plutôt que de dire qu’il avait délibérément demandé à ce qu’on lui tienne la main dans les flammes dans l’espoir de sentir quelque chose, n’importe quoi. Il aurait dû, peut être. Mais elle disait que ce n’était rien, et lui la croyait, parce que pourquoi est-ce qu’elle mentirait ? Ce n’est qu’un souvenir de plus qu’ils ne partagent pas, qu’un caillou dans la mare.

Mais aujourd’hui, il ne voit rien. Il lui semble avoir retrouvé la vue et il n’a pourtant jamais été aussi aveugle. Il rompt le contact comme s’il n’était rien et envoie son âme se planter un peu plus sur un pic de glace dans la même volée. Il se détourne et il tourne le dos aux larmes qui sont nées dans les yeux d’Artemia, dans les yeux de sa femme, sans doute la preuve qu’il a mis un peu trop d’eau sur son feu, sans doute une énième manifestation de la manière dont le soigner la détruit à chaque fois. Lui n’y pense même pas, enfermé dans son propre malheur et sa propre faiblesse, trop habitué à la voir en armure pour imaginer pouvoir l’atteindre vraiment. A la place, il essaye de se lever, échoue, puis rampe. La fierté l’a abandonné depuis bien longtemps, et il en vient à se demander s’il en a déjà eu. Sans doute, à une époque où il était quelqu’un d’autre, à une époque où il tombait et se relevait pour qu’Artemia puisse lui dire qu’il était fort. Elle ne l’a pas vu retomber, alors il n’a jamais vu l’intérêt de se relever.

Ses mots résonnent entre eux et il relève un regard presque blessé sur elle, un regard qu’il ravale dès qu’il en a la force. Il n’a pas le droit de l’attaquer. Le mot « menteuse » brûle ses lèvres mais il doit le glacer, lui aussi. Elle est là, aujourd’hui. Elle ne l’oublie pas parce qu’il est juste devant ses yeux. Elle ne l’oublie pas parce qu’elle ne peut pas détourner le regard. Elle ne l’oublie pas alors qu’elle l’a fait si longtemps auparavant. Ou l’avait-elle jamais oublié ? Ses pensées sont confuses, et il ne se souvient plus vraiment de ce qu’ils avaient fini par se dire, de ce qu’il s’était réellement passé, ce jour là, dans cette salle de jeu transformée en salon de thé, marque ironique de leur passage à l’âge adulte bien trop tôt, bien trop brutalement. Leur nuit de noces leur avait suffi pour comprendre qu’ils n’avaient pas vu ce jour de la même manière. Et après ?

Il n’a pas le temps d’arriver au bout de son idée qu’il sursaute à cause de la sensation du canapé sous sa peau, et de la serviette sur sa tête. Pendant de longues minutes, il ne bouge plus d’un pouce, et il ne se souvient pas avoir déjà été aussi immobile alors qu’il ne comprend pas vraiment ce qu’elle fait, où il est, et ce qu’il sent. Peut être que les pilules sont toujours suffisamment présentes pour augmenter les sensations physiques. Peut être qu’il n’est pas certain que quelqu’un se soit déjà occupé de lui comme cela. Il la regarde quand elle s’en va, et il ne sait pas vraiment ce qu’il doit faire, maintenant qu’il n’a plus trop froid pour vivre, maintenant qu’il n’a plus complètement envie de mourir. « Chocolat. Je suis pas une mamie de 82 ans. » Plutôt un enfant de six, apparemment. Il n’a pas parlé très fort, mais l’appartement est silencieux qu’elle ne peut que l’avoir entendu. Il se roule dans le plaid trop chaud et son corps se plaint mais son âme le remercie tandis qu’il s’assoit tant bien que mal et qu’il suit sa femme des yeux.

Est-ce qu’il doit parler ? Est-ce qu’il doit se taire ? Est-ce qu’il doit s’expliquer ? Il n’y a pas grand-chose à expliquer, sans doute. Pas grand-chose qu’elle ne sait pas déjà. Mais maintenant il a un chocolat dans les mains, et les yeux plantés sur le saladier trop rempli sans savoir quoi en faire, alors son instinct reprend le dessus, et un flot de paroles s’échappe de sa bouche. Il a toujours eu un talent pour trop parler et éviter de penser. Le ton de sa voix est trop naturel, trop neutre, comme s’il racontait le dernier épisode de sa série du moment. « Milo est parti, tu sais ? En même temps qu’Hel. Aux États-Unis. Au Texas, même. Quel genre d’imbécile va au Texas ? » Il sourit, un peu. Quelque chose n’est pas comme d’habitude, dans ce qu’il lui semble ressentir. « Aleksy aussi est parti. Je me suis pointé pour lui dire « tkt maintenant je suis marié donc on peut se revoir » et l’appartement était vide. Ironique, un peu. » Peut être beaucoup. Dire qu’il n’avait accepté ce mariage que pour le revoir, et que maintenant, il n’y avait que le mariage, ou la mariée, au moins, qui lui permettait de rester debout. « Tu sais, je pensais que si les gens partaient, c’était de ma faute. Que j’avais fait quelque chose de mal, que j’avais dit une connerie, que j’étais pas assez bien pour eux, quelque chose comme ça. Je pensais que si je faisais ce qu’ils voulaient, ils reviendraient. Que c’était pas définitif. Mais personne revient. A part toi, peut être. Et encore. Aucun de nous deux est vraiment revenu. » Il a l’impression que ce qu’il dit n’a pas beaucoup de sens, et pourtant, il sait qu’elle comprendra. Il sait qu’elle pense sans doute la même chose.

Il inspire un peu fort pour vérifier que rien ne restait dans ses narines avant d’enfoncer sa tête dans la tasse de chocolat, puis de l’en sortir pour regarder les fesses de singe avec un petit sourire amusé. « Joli. Enfin bref, je crois que j’avais tort. Sur tout. Je pense pas qu’ils reviendront. Et finalement, ça m’énerve, plus qu’autre chose, maintenant. Parce que cette fois j’avais bien fait les choses. Plus ou moins. En tout cas je leur avait rien fait. Donc c’est pas de ma faute. » Il acquiesce à ses propres mots et tourne la tête vers Artemia pour voir si elle approuve, pour voir si elle compte le soutenir dans son illusion. Mais avant qu’elle n’ait pu répondre, il rit un peu. « Je sais pas pourquoi je te dis ça. Maurice dit que c’est la deuxième étape du deuil. Maurice c’est mon psy. Je pense qu’il est pas très doué parce que ça fait quand même un bon moment que je suis dans la quatrième étape, clairement. Mais il a une jolie moustache. » Le chocolat lui réchauffe un peu les joues, alors il le finit d’une traite avant de s’allonger en posant sa tête sur les cuisses nues de sa femme. Elle, elle est toujours brûlante. « T’es en colère, toi ? » Contre le monde. Contre lui. Contre elle-même pour continuer d’ouvrir la porte, peut être.
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