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Dum Spiro, Spero
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drunken honesty | danteDum Spiro, Spero :: Time and universe :: Flashbacks

Ezio Galvani

15.04.21 19:47






Il y a des gens qui dansent devant lui, quelqu'un qui crie sur sa gauche, deux personnes qui s'embrassent langoureusement à sa droite, dans le grand canapé sur lequel il s'est installé. Il apprécie la foule d'ordinaire, tous ces inconnus qui font passer la nuit plus vite et qui remplissent le vide trop calme des heures tardives. Pourtant, ce soir, la musique paraît trop forte, trop fade et il a envie de se boucher les oreilles. Les rires résonnent douloureusement dans sa tête, mais ne l'empêchent pas pour autant de penser. Il a un verre à la main, encore, mais il n'est pas vraiment saoul et c'est un problème. Il y a quelque chose d'étrange, comme un poids sur son estomac qui le rend un peu nauséeux et il n'arrive pas à s'oublier dans l'ambiance de la soirée. Il ne sait pas bien pourquoi l'anxiété sournoise a pris possession de lui, il arrive d'habitude à la calmer avec tant de monde et d'alcool, mais il prend une grande inspiration et son cœur ne se calme pas. C'est quand il se fait presque pousser par terre par le couple à côté de lui qu'il décide enfin de se lever.

Il ne sait pas où est Dante. C'est sa maison pourtant, mais il y a des corps partout, des visages qu'il commence à reconnaître aussi, et il ne sait plus où regarder. Il ne sait même pas pourquoi il cherche le blond du regard. C'est idiot et l'Ezio d'avant aurait sûrement vomi à l'idée de le voir trouver un certain réconfort en croisant le regard de celui qui était son pire ennemi. Il sursaute un peu quand une brune l'aborde, ne se laisse pas tenter par les baisers suggestifs qu'elle dépose dans son cou et lui demande de le laisser seul. Il se rend compte que ce sont les premiers mots qu'il a prononcés depuis des heures et il se sent encore plus mal. Il a certainement juste besoin d'un autre verre et tout ira mieux. 

Il n'a pas le temps de mettre son plan à exécution. Il entend un éclat de rire, plus fort que les autres, et puis un grand bruit. Le verre qui s'explose au sol, un vase peut-être, et les morceaux brisés qui viennent buter jusque contre ses chaussures. En un battement de paupières, il n'est plus chez Dante. Il est chez lui, à Acireale. Il a dix-sept ans. Il a peur, il a mal. Son père crie quelque chose qu'il ne comprend pas, il a l'air tellement en colère, peut-être contre lui ou contre le monde entier. Il attrape l'assiette encore pleine et la jette contre le mur, juste à côté de sa tête. Il n'a rien, une seule coupure minuscule sur la joue, mais c'est bien assez pour que ses jambes tremblent et qu'il s'écroule. Il rouvre soudainement les yeux quand il se sent tomber et le voilà de nouveau reconnecté à la réalité. Il n'arrive plus à faire semblant.

Ses jambes le mènent vite jusqu'à la chambre qu'il occupe depuis son arrivée ici. Il n'ose pas l'appeler sa chambre parce que ce n'est pas le cas, cela ne le sera jamais et il a déjà commencé à rechercher des appartements. Il n'est pas encore totalement prêt pourtant, alors les onglets restent ouverts sur son ordinateur, mais il ne prend jamais la peine de les actualiser. Il se réfugie sous la couette, s'enroule comme pour bloquer le reste et ferme les yeux très forts. Il ne sait pas combien de temps il reste ainsi, immobile, à essayer de noyer le bruit de la fête, à déglutir sans cesse pour calmer la nausée et à tenter de ne penser à rien. Il rate presque le son de la porte qui s'ouvre et il lui faut quelques minutes pour se redresser dans le lit. Il a peut-être bu plus qu'il ne l'aurait cru parce que la pièce n'est pas totalement droite tandis qu'il fixe l'intrus. "Si tu cherches l'ambiance, elle n'est pas ici."
(c) DΛNDELION
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Dante Motisi-Smeraglia

18.04.21 23:49
Il ne se souvient pas vraiment avoir organisé cette soirée, mais ils sont là, de toute évidence, alors autant s’amuser avec eux, ou au moins faire semblant. Il rit quand quelqu’un propose un concours de shooters, mais c’est un rire vide de sens et plus les minutes passent, plus les verres passent, plus il se dit qu’il n’a pas vraiment envie d’être là. Il devrait s’oublier et se laisser porter par les drogues et la musique, mais rien n’y fait vraiment, et il soupire un peu en cherchant du regard celui qui est sans doute le seul à le comprendre en ce moment. Il voudrait ne pas se sentir si proche d’Ezio, mais depuis quelques longues semaines, c’est la seule personne qu’il a envie de voir dans cette maison, et certainement la seule personne avec qui il a envie de boire ce nouveau verre.

Il fait un geste de la main pour signaler son départ, prend la bouteille pleine la plus proche, grimace en réalisant que c’est du rhum, mais accepte son sort parce qu’il est déjà parti, il remonte déjà le premier salon pour aller dans le second, il commence déjà à chercher Ezio plus activement. Le bruit ne l’a jamais dérangé. La foule non plus. Il est sans doute bien plus dans son élément à cet instant que n’importe quelle minute où il est seul. Pourtant, il aurait envie de leur dire de tous partir, si ça voulait dire retrouver celui qu’il cherche plus vite, parce qu’il s’ennuie affreusement, et que personne d’autre ne semble vouloir faire l’effort de le divertir.

Il fait le tour de la maison une fois, puis deux, puis trois, mais rien n’y fait. Il a sans doute fait cela trop rapidement. Il n’a pas bien regardé les visages. Ses sourcils se froncent, finalement, et il demande à tous ceux qu’il croise s’ils ont vu Ezio. Enfin, quelqu’un lui répond. Enfin, on lui montre vaguement l’escalier, et il part rapidement jusqu’à la chambre du jeune journaliste, celle qu’il n’a pas encore fermé à clef, celle qu’il n’imagine pas encore fermer un jour. « Je me disais bien que tu serais là. » Il n’y a aucune gloire à cette découverte, puisqu’on le lui a dit, mais ça, personne n’a besoin de le savoir. Dante ferme la porte derrière lui et franchit en quelques pas la distance qui le sépare d’un Ezio tremblant, ivre, et gelé.

« Tu fais un bad trip ? » Il se glisse à côté de lui sur le lit, Dante, et s’assoit en tailleur en le regardant. Il n’a pas l’air de transpirer. Il a juste l’air d’avoir peur. « Ca va pas ? Quelqu’un t’as fait quelque chose ? Je peux les taper, si tu veux. Je sais me battre. » Il lève ses poings dans l’air maladroitement et fait deux gestes gauches, pour prouver son manque de talent, et a un petit sourire en coin, peut être un peu moins vide que ceux qu’il avait eu jusque là. Quelque chose ne va pas avec Ezio. Quelque chose qu’il ne peut sans doute pas arranger. « J’ai pris du … rhum. Si tu veux pas me répondre, tu peux boire. Tu peux aussi boire et me répondre. Tu n’a pas le droit de me répondre sans boire, par contre. C’est la règle. » Il invente les règles, et le jeu avec. Ca n’a pas d’importance. Il voudrait la réponse, et il veut surtout ne jamais arrêter de boire, et ne jamais le laisser dessoûler.
(c) AMIANTE
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Ezio Galvani

20.04.21 22:58






Il perd la notion du temps, ainsi caché sous la grosse couette à essayer de reprendre le contrôle d'un corps qui ne lui répond plus. C'est quelque chose qui lui arrive souvent ces temps-ci, de ne plus savoir si une minute à peine vient de s'écouler ou si la nuit a déjà laissé place au soleil matinal. Il n'a pas vraiment le loisir de se poser la question plus longtemps pourtant, parce que Dante fait irruption dans la pièce et il se redresse tant bien que mal. Il ne sait pas trop quoi penser de la vague de soulagement qui l'envahit lorsqu'il reconnaît le visage du maître des lieux. Il pensait vouloir être seul, mais maintenant que l'autre est là, il se rend compte que non. C'est sûrement un peu effrayant comme sentiment, mais il commence doucement à s'habituer, au fur et à mesure des jours qui s'égrainent et qui se transforment bien vite en semaines. Dante n'est toujours pas parti, lui, et il n'est plus tout seul. Il aimerait égoïstement que cela dure pour toujours, tout en sachant pertinemment que c'est impossible, qu'il ne le faut pas vraiment.

Il observe le blond, suit des yeux ses poings qui frappent l'air et qui ne feraient sûrement pas de mal à quiconque. C'est ridicule, ils sont ridicules, et pourtant, le geste lui arrache un petit souffle du nez amusé. Il ne doute pas que Dante soit capable de frapper quelqu'un pour lui, et même si cela ne veut pas dire grand chose, et même s'il se ferait sûrement battre à plate couture, il trouve le geste un brin touchant. Il compte peut-être un peu pour quelqu'un, même si c'est pour toutes les mauvaises raisons du monde. Alors, il ne se pose pas plus de questions quant au jeu douteux que Dante lui propose, il accepte silencieusement en tendant une main tremblante vers la bouteille avant de s'en emparer. Il a l'impression qu'ils sont seuls au monde malgré la foule qui vit un étage plus bas, comme souvent. Peut-être que c'est ce qu'il attendait depuis le début de la soirée.

Il boit une gorgée, se dit que l'alcool ne lui brûle plus la gorge comme avant et que c'est certainement un mauvais signe, en bois une deuxième. Il ouvre la bouche pour parler, la referme, frissonne un peu trop, rabat un peu plus la couverture sur son corps et finit par prendre la parole. "Y'a quelqu'un qui a cassé un de tes vases, tu sais ?" Dante n'en a sûrement rien à faire, ne l'a certainement même pas remarqué. "Il y avait du verre partout par terre, contre mes pieds, ça a fait du bruit..." Les phrases sont décousues, les mots ne font pas sens, mais il n'arrive pas à exprimer toutes les émotions qui explosent en lui. La peur l'empêche de réfléchir correctement, l'alcool enlève les filtres. Alors il boit une nouvelle gorgée avant de planter de grands yeux mouillés dans ceux de Dante. "J'ai cru que j'avais fait quelque chose de mal, que peut-être quelqu'un avait voulu lancer le verre sur moi, pour me faire mal ou me punir de quelque chose. Mais c'est débile, hein ? Parce que je les connais pas vraiment tes potes et je leur ai rien fait, mais je sais que parfois les gens peuvent faire du mal sans raison. Alors, j'ai eu peur." 

Un aveu de faiblesse, encore un. Il se demande un instant si Dante va le juger, puis il se rappelle de qui il a en face de lui et se relaxe un peu. Il se demande aussi s'il saura lire entre les lignes de ses explications bancales alors que lui-même n'est pas certain d'être conscient que c'est le traumatisme du passé qui a pris possession de lui ce soir. Mais l'autre aussi à des secrets et il est parfaitement bien placé pour le savoir. "Dante, je peux te poser une question ?" Il lui tend la bouteille, parce que selon ses règles, c'est à lui de boire à présent. Il se replace dans le lit pour lui faire totalement face, pour se rapprocher un peu aussi, parce qu'il a toujours affreusement froid. La situation lui rappelle un peu ce fameux jour où il a déposé ses affaires ici. Déjà, il était gelé et déjà, le blond avait pu le réchauffer au moins un peu, suffisamment pour qu'il en redemande. Encore et encore.

"Est-ce que tu repenses au jeu malsain d'Elpis parfois ? Tu repenses à cette maison, ce chien mort, les cris, les secrets ?" Il baisse un peu les yeux, presque honteux et il murmure. "Moi, j'y pense tous les jours." Ils n'ont jamais vraiment reparlé de ce fameux jour. La vérité la plus enfouie a éclaté aux yeux de l'autre et pourtant, ils ont fait comme si de rien n'était. Ils sont partis chacun de leur côté en sortant de la maison des enfers, sont rentrés chez eux et ont fait semblant qu'une plaie béante ne venait pas d'être réouverte, plus douloureuse que jamais. Il veut savoir s'il est le seul à souffrir. Il veut que Dante lui parle parce qu'il le décide, pas parce que les fantômes d'Elpis l'ont forcé.   
(c) DΛNDELION
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Dante Motisi-Smeraglia

21.04.21 0:16
Ezio prend la bouteille, et Dante respire un peu mieux, même s’il ne l’avouera jamais, trop occupé à s’avachir autant que possible sur le lit en allumant une cigarette. Il n’aurait sans doute pas dû lancer ce jeu. Son instinct, ou quelque chose d’autre, lui dit qu’il risque d’ouvrir leurs boîtes de Pandore, qu’il risque de briser leurs barrages et de faire couler la montagne entière. Pourtant il n’y a pas d’autres options qui s’offrent à lui, il n’a aucune autre solution, et surtout, il n’a pas envie. Ezio a besoin qu’il demande cela. Il a sans doute besoin de répondre honnêtement, et l’alcool a toujours aidé à être honnête, à ne pas avoir honte de ses propres sentiments, à écouter ses propres pensées. Sans doute. Lui a envie de l’entendre, en tout cas, même si l’état dans lequel est le journaliste suffit à lui faire comprendre que c’est quelque chose de très enfoui, quelque chose de très personnel, quelque chose de grave. Alors ça ne peut être qu’une chose.

Il fronce les sourcils quand l’autre parle des vases, et il a réellement du mal à comprendre ce que cette conversation vient faire là, pendant quelques minutes. Il manque de l’interrompre, mais il se retient, mord sa lèvre, fume un peu plus vite, s’en empêche. Les mots s’échappent de la bouche d’Ezio comme une cascade de fils emmêlés, et il laisse quelques minutes de silence à leur suite, pendant laquelle il essaye d’en trouver le sens, de remettre de l’ordre, de comprendre le fil directeur. Puis il réalise qu’il connaît le fil directeur depuis quelques temps déjà, maintenant. Ezio a les yeux pleins de larmes, et Dante sent sa gorge se serrer un peu en guise de réponse.

Au fond de lui, une colère gronde. Au fond de lui, l’idée d’imaginer le brun effrayé par quoique ce soit, quoique ce soit qui n’est pas lui, qui n’est pas de sa faute, le met hors de lui. Dante n’a jamais été doué en compassion, ni capable de facilement comprendre le comportement ou les réactions des autres, mais au moins, il connaît la peur, et il ne peut qu’imaginer ce qu’Ezio peut bien ressentir, à quel point les évènements du passé conditionnent encore sa vie aujourd’hui. Il imagine son propre père lui lancer un vase au visage parce qu’il est en colère, et l’idée lui donne presque envie de rire tant elle est ridicule. Il ne peut pas imaginer. Il ne peut pas comprendre cette peur. Il ne peut pas comprendre la douleur que doit ressentir un enfant quand il sert de punching ball à son parent.

Il n’a pas répondu. Il aurait dû, et il ne l’a pas fait. Ses yeux se baissent et il hésite. Il a mille questions à lui poser. Il y a trop de choses qu’il voudrait savoir, qu’il a l’impression d’avoir besoin de savoir pour réellement comprendre l’autre, pour réellement faire partie de sa vie, pour réellement le posséder. Pourtant, sa bouche reste scellée, comme si s’il en posait une, il ne pourrait jamais s’arrêter. « Je comprends. » C’est faux. Il ne comprend pas. Il est en colère contre lui-même et contre ces mots vides de sens qui doivent laisser Ezio encore plus vide qu’il ne l’était avant. Il ne peut pas comprendre. Il n’a pas le droit de faire semblant.

La voix de son compagnon d’infortune résonne soudainement dans ses oreilles, et Dante sursaute doucement avant de relever les yeux vers la bouteille. Lentement, il l’attrape, mais pour l’instant son regard n’est toujours pas allé plus haut, et il a simplement acquiescé, doucement. Il n’imagine pas ce qui va être demandé, ce qui va être dit. Il lui semble qu’aucune question ne pourrait le déranger, et pourtant, quand Ezio a bougé et quand il lui demande enfin ce qu’il voulait savoir, il n’a d’autre choix que d’attraper ses pupilles. « Quoi ? » C’est un peu incrédule, un peu choqué, alors qu’il a du mal à se faire à l’idée. Il a parlé de la maison. Il a parlé de l’endroit où les secrets avaient été dévoilés, où ils s’étaient vus plus nus que quiconque les avait sans doute vus auparavant. Il a parlé de la maison et maintenant, Dante a carte blanche pour poser ses questions.

Il ne pensait pas que cela risquait d’arriver. Il réalise à peine que c’est sans doute la première fois de sa vie que quelqu’un ne fait pas semblant de ne pas savoir, de n’avoir rien vu, rien entendu, rien vécu, parce que lui le fait. C’est sans doute la première fois de sa vie que quelqu’un souhaite reparler de quelque chose qui devait être nié. Il revoit même le visage de Milo, quand il avait sans doute compris pourquoi Dante était toujours seul chez lui alors que lui-même avait refusé de le dire, qui décidait qu’ils n’en reparleraient jamais, parce que visiblement, Dante ne le voulait pas. Même Artemia. Tout le monde. Ca avait toujours été le genre de secret qui est révélé une fois, et plus jamais mentionné. Un traumatisme qui est ravalé et enfermé à triple tours derrière le barrage jusqu’à noyer l’âme. Mais Ezio a parlé, et leurs deux barrages tremblent.

« Pardon. Je … Je m’y attendais pas. » Les mots sonnent étrangement sincères. Il n’a plus de masques avec Ezio depuis quelques temps déjà, mais cette fois, il a l’impression de ne pas en avoir avec lui-même non plus. « Moi aussi. » C’est un murmure, un aveu à soi-même autant qu’à l’autre. Lui aussi, il y pense tous les jours. Il repense au chien dès qu’il regarde vers la cheminée, même si c’est sans doute avec une fascination morbide plutôt qu’avec le dégoût attendu. Il repense aux cassettes dès qu’il enfonce des écouteurs dans ses oreilles. Il repense surtout à la salle silencieuse dès qu’il ferme les yeux pour dormir et qu’il n’entend pas les basses à fond. Il repense à cette porte et à son secret enfermé derrière dès qu’il regarde les portes verrouillées de l’étage, ou du grenier. Il repense au secret d’Ezio dès qu’il le voit reculer devant quelque chose, avoir le regard dans le vide, pleurer silencieusement, toucher aux bouteilles, dormir, se brosser les dents, se faire un café, sourire tristement. Il repense à tout sans cesse et il lui semble que rien, jamais, ne pourra le calmer. A part peut être des réponses. A part peut être en parler. A part peut être partager le fardeau.

Il porte la bouteille à sa bouche et boit de longues gorgées. Une, deux, trois. Trois suffiront. Maintenant que le terrain est glissant et que l’alcool lui attaque déjà les sens, il ne peut pas se permettre de perdre ses capacités de concentration alors que la conversation devient intéressante pour la première fois de la soirée. Alors que tant semble peser sur ce moment. « On en parle, alors, hein ? » Il demande presque la permission, tandis que ses mains triturent la bouteille avant de la tendre au brun, puis qu’il réalise que sa cigarette s’est consumée sans lui, et qu’il en rallume une. Le cendrier est approché en quelques secondes, mais il change d’avis, et écrase sa cigarette pour attraper un sachet de weed. Ils n’ont sans doute pas besoin d’être encore plus nerveux, et rouler lui permettra de prendre le temps de peser ses mots. De poser les bonnes questions. « Ok. Je commence alors. »

C’est dur de commencer. Il se demande par où commencer. Il trie ses questions, et essaye de s’empêcher d’imaginer la réponse avant de les formuler. Il faut commencer par le commencement. Il faut savoir à quel point le traumatisme remonte, à quel point la situation d’Ezio est similaire à celle du petit garçon qui vivait dans cette maison. A quel point il devrait réellement être en colère. « Quand est ce que ça a commencé, avec ton père ? Quand est ce que … tu sais ? Pour la première fois ? » Il n’est pas sûr que cette information soit importante, et pourtant il a l’impression qu’il ne peut pas avancer sans. Il n’est pas sûr qu’Ezio y réponde, déjà. Il a peut être mal interpréter. Il a peut être dépassé les bornes. Il aurait peut être dû se taire, et éviter de le pousser à lui répondre alors qu’il est déjà dans un mauvais état mental. Doucement, il tend le joint à son ami, ou ce qui y ressemble, en tout cas. Il en a sans doute bien plus besoin que lui, et ce geste là a toujours été plus naturel pour lui que de prendre la main de quelqu’un d’autre.
(c) AMIANTE
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Ezio Galvani

22.04.21 22:13






Il est trop vulnérable à cet instant, peut-être plus qu'il ne l'a jamais été depuis son arrivée à Palerme. Il a l'impression d'être prisonnier de son corps et de son esprit, incapable de se détacher de cet état d'anxiété. Il se sent pourtant un peu mieux maintenant qu'il n'est plus seul et que Dante lui tend la bouteille. Le bruit de la musique trop forte à peine étouffée par la porte fermée continue de lui donner mal à la tête, mais il se concentre d'avantage sur la voix de l'homme à côté de lui, et le reste devient moins dérangeant. Il aurait dû réfléchir avant d'ouvrir la bouche, essayer d'arranger un minimum ses pensées incohérentes, mais il a besoin de parler et puisque l'autre semble prêt à l'écouter, c'est ce qu'il fait. Il n'est pas vraiment étonné quand ses mots se tarissent et que Dante ne répond pas de suite. L'odeur de la cigarette lui pique un peu la gorge, mais il ne s'éloigne pas. Il a besoin du blond, il ne sait pas trop jusqu'à quel point.

Quand la réponse arrive enfin, il ne peut empêcher ses épaules de s'affaisser, presque abattu. Il s'était attendu à tout venant de lui, mais pas à un mensonge. Il ne comprend pas, comme lui-même ne peut pas comprendre ce par quoi est passé Dante. Il n'a pas envie qu'il fasse semblant de comprendre, il veut qu'il comprenne pour de vrai. Il veut le comprendre pour de vrai, lui aussi. Il est la personne de laquelle il se sent le plus proche sur cette planète à l'heure actuelle et il aimerait l'être encore plus. C'est dangereux, la dépendance risque d'être plus forte encore et peut-être même qu'à force, il y a aura un réel attachement. Mais au point où ils ont sont tous les deux, cela ne lui fait plus aussi peur qu'avant. Il essaie de se dire que ce ne sont que les élucubrations de ses pensées alcoolisées, n'ose pas penser au fait que rien de ce qu'il ressent ne change réellement lorsqu'il est sobre.

Il hésite un peu avant de poser la question qui lui brûle les lèvres, mais bientôt, le sujet est lancé, pour le meilleur comme pour le pire. Il croise le regard surpris de Dante et il doute, tout à coup. Peut-être qu'il aurait aimé qu'il continue de tout ignorer, comme ils ont fait des mois durant ou bien peut-être que c'est trop dur d'en parler. Il n'y a pas qu'au chien mort ou qu'aux cris apeurés de l'enfant qu'il repense tout le temps. Quand il ferme les yeux la nuit et que la scène se rejoue à nouveau derrière ses paupières closes, pour la millième fois, il repense aussi au secret de Dante. Une information cruciale qu'il ignorait et qui change tout maintenant qu'il le sait. Il ne peut pas faire comme si de rien n'était, il n'y arrive plus. Il veut en savoir plus, il veut piétiner le masque que le blond porte sans cesse pour voir qui il est réellement. Pour qu'il ne puisse plus jamais le remettre devant lui. Pour voir qu'il est humain, pour comprendre qu'il souffre, lui aussi, pour ne plus jamais pouvoir le détester comme avant.

"On n'est pas obligés d'en parler si tu ne veux pas. C'est juste que..." Il s'arrête un instant, observe le blond allumer une nouvelle cigarette, puis un joint. Il essaie de former une justification cohérente, avant d'opter pour une honnêteté sans détour. "Que ça change tout et que j'ai envie de mieux te comprendre." Sauf que ce n'est pas à lui de poser les questions en premier, et même s'il est évident qu'il va devoir lui aussi parler, le poids dans son estomac s'alourdit. Son cœur s'emballe un peu et il s'empare du joint comme si c'était la seule chose qui pouvait le sauver à cet instant. Il tire une fois, tousse un peu parce qu'il n'a jamais été un très grand habitué de ce genre de pratiques, et prend le temps de laisser la drogue monter un peu. Deux fois. Trois fois. Enfin, il peut répondre.

"Quelques jours avant que mère ne meurt. Il avait trop bu, je n'avais pas eu le temps de préparer les affaires qu'il devait porter à l'hôpital. Il était censé passer la nuit là—bas avec ma mère." Il baisse les yeux, tend le joint à Dante et prend une grande inspiration pour faire passer la sensation désagréable dans ses poumons et dans sa gorge. "J'avais seize ans et c'était simplement une gifle. Et puis après c'était quelques coups-de-poing, ou des assiettes jetées sur le mur à côté de moi. Jamais rien de grave, je n'ai jamais eu rien de plus que des hématomes à peine visibles et des entailles. Les mots étaient certainement pires que les coups de toute façon." Il se demande pourquoi il essaie encore de chercher des excuses à son père et de minimiser les actes, même des années après. Même après avoir passé autant de temps à le haïr. "J'étais pas un gamin, ça aurait pas dû autant m'affecter. Mais je pense qu'on a déjà établi que j'étais pas le mec le plus courageux de la ville." Avant, il aurait dit cela en souriant un peu. Comme une blague pour mieux faire passer le message terrible. Mais ce soir, il ne sourit pas et il pense chacun des mots qu'il prononce. 

Il fait passer l'envie de pleurer avec une nouvelle gorgée et il se dit qu'il devrait arrêter parce qu'il n'est plus vraiment lui-même. Qu'il n'y a plus aucun filtre et qu'il ne voit plus très bien, non plus. Peu importe. "A moi maintenant, c'est chacun son tour." Il se doute que Dante voudra poser d'autres questions, mais lui aussi veut en savoir plus. Il ne cherche pas longtemps comment tourner la question, il n'en a pas la force, ni l'envie. "Est-ce que tu sais pourquoi ta mère est partie ? Qu'est-ce que tu t'es dit quand tu l'as compris ?" Il n'arrive pas à imaginer ce qu'un enfant doit ressentir quand un parent l'abandonne, ni à savoir ce que le blond a bien pu ressentir. A quel point tout cela a dû affecter sa vie et les choix qu'il a faits. Il se rapproche encore un peu de l'autre, ses yeux cherchant les siens. Comme pour se reconnaître dans ce regard qu'ils partagent tous les deux et qu'il n'avait jamais su remarquer avant. Pour lire les non-dits dans les iris clairs, pour comprendre le vide et la peine.
(c) DΛNDELION
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Dante Motisi-Smeraglia

23.04.21 0:05
Rien n’est comme les choses devraient être. Il est habitué à mentir et à faire semblant de comprendre, mais il n’est pas habitué à ne pas vouloir le faire. Il est habitué aux jeux d’alcool, mais il n’est pas habitué à promettre l’honnêteté de sa part. Il est habitué à penser à Ezio, mais il n’est pas habitué à ne penser qu’à lui, à se sentir respirer plus calmement en sa présence, à envisager de retirer son masque en le regardant. Il n’est même pas sûr d’être habitué à vouloir le faire devant qui que ce soit. Il ne comprend pas pourquoi l’autre a un tel pouvoir sur lui, sur cette situation, sur sa curiosité, mais il ne peut pas nier qu’il en a un. Il voudrait pouvoir lui poser une question qui le forcerait à révéler toute sa vie sans en omettre un seul détail, il voudrait pouvoir le regarder et lire en lui comme dans un livre ouvert.

Alors que ses mains roulent le joint, il voudrait les poser sur lui, il voudrait voler l’oxygène de ses poumons en l’embrassant, il voudrait ne faire qu’un avec lui. Il ne lui semble pas avoir ressenti cela assez souvent pour pouvoir réellement le comparer, mais quelque part, il sait que c’est exceptionnel. Ezio est un mystère parce qu’il ne l’a jamais aimé, ou apprécié, avant ces quelques dernières semaines. Ezio est un mystère parce qu’il ne s’était pas rendu compte que le visage qu’il renvoyait au monde était un masque, lui aussi, et peut être plus solide que le sien. Sans doute plus solide parce qu’Ezio, lui, avait réussi à se convaincre que c’était son propre visage qui souriait.

Les mots flottent entre eux comme la fin des non-dits, et Dante ouvre et referme la bouche plusieurs fois avant de rire doucement, presque naturellement, comme s’il ne pouvait pas s’en empêcher. « Fais attention de pas tomber amoureux, chéri. » C’est dit avec tant de moquerie dans la voix qu’il ne le pense pas une seconde, mais pourtant, c’était tout ce qu’Ezio avait besoin de dire pour le mettre en confiance. Quelque part, ils doivent tous les deux ressentir des choses qu’ils ne sont pas habitués à ressentir. Quelque part, Ezio aussi ne doit pas trop savoir où se mettre et quoi penser de tout cela. Quelque part, une fois de plus, ils se comprennent.

Il n’insiste pas après avoir posé sa question. Il attend. Il ne se moque même pas de la petite toux, ou du regard fuyant. Il n’en a pas envie. L’autre devrait sans doute chercher ses mots, mais il ne le fait pas, et quand il se lance, Dante retient son souffle, retient les commentaires qui pourraient sortir de sa bouche, scelle ses lèvres et écoute, même si ça lui demande toute la volonté du monde. Mais plus il parle, plus ça devient dur de se retenir, alors il récupère le joint et il tire dessus à chaque fois qu’il veut dire un mot, le descendant sans doute bien trop vite pour ses pupilles déjà dilatées. Il le regarde, il n’arrive pas à détacher son regard de lui, mais petit à petit, il a un peu envie de vomir.

Il essaye d’imaginer, mais il n’y parvient pas. Un parent à l’hôpital, et l’autre qui n’est pas capable de tenir le coup sans rejeter sa frustration sur lui. Une mère qui ne se doute sans doute de rien et un père qui détruit tout alors que son enfant doit aussi vivre avec cette perte. Et au milieu, Ezio, tout seul, et mort de peur. Ezio qui a commencé en donnant un contexte qui n’était pas nécessaire. Ezio qui annonce une supposée faute avant de donner les faits. Ezio qui ne dit rien d’objectif. Ezio qui mentionne son âge comme une excuse pour l’agresseur et pas pour la victime. Ezio qui ne plaisante pas une seconde en prenant le blâme. Ezio qui s’est tu et qui retient des larmes. Ezio qui veut déjà passer à autre chose.

Dante entend la question qui suit et elle lui tord l’estomac, mais son esprit est toujours bloqué en arrière, et quand il recommence à respirer normalement, quand le silence n’est plus essentiel parce qu’Ezio a fini de parler, il se rend compte qu’il est en colère. « Arrête ça. » C’est froid et ferme, c’est presque cruel étant donné l’état dans lequel est le journaliste, mais il ne peut pas passer à autre chose avant de le dire, il n’a pas envie de laisser cela en suspend, et puisqu’il n’a jamais été du genre à épargner les autres, il explose. « Pourquoi ça aurait dû être ton rôle, de préparer ses affaires ? C’était ta mère. Comment ça « simplement » ? Comment ça « rien de grave » ? En quoi à 16 ans t’es pas un gamin ? » Il lève la main pour lui mettre un coup sur le front, mais réalise au dernier moment que c’est sans doute la pire chose à faire alors qu’il vient de réveiller des souvenirs pareils, et se contente de lui mettre un petit coup sur le dos de la main. « Cherche pas des excuses à quelqu’un qui en mérite pas. Il avait pas le droit de faire ça, peu importe les excuses qu’il a donné, peu importe ce qu’il a bien pu te faire croire. Et tu devrais le savoir. » Il n’a pas le droit de le disputer comme un enfant. Pourtant, il a déjà une image claire de ce père qu’il n’a jamais rencontré, et au fond de lui, quelque chose est animé d’une envie violente de le détruire.

Il inspire un peu avant de prendre la bouteille et de se glisser aux côtés d’Ezio pour ne pas avoir à soutenir son regard, préférant le contact de leurs peaux à travers les vêtements qui se frôlent. « Oui c’est à moi, je sais. J’ai entendu. » Il n’a pas très envie de répondre. Il n’en aura sans doute jamais envie. Mais c’est le jeu, et il est obligé de suivre les règles, maintenant. Il ouvre la bouche, puis la referme, et boit quelques longues gorgées de rhum pour anesthésier les quelques sens qui lui restent. L’alcool délie les langues, et il en a bien besoin. Il n’est pas sûr d’avoir déjà mis des mots sur tout cela. Si. Il est sûr de ne l’avoir jamais fait. « J’ai blessé une gamine à l’école, quand j’avais sept ans. Rien de très grave, je crois, mais les profs ont conseillé à mes parents de m’emmener voir un psy, alors ma mère m’a emmené, et ils m’ont diagnostiqué. Enfin, t’étais aux élections, de toute façon, donc tu sais, non ? » Il a un petit sourire amusé presque aussitôt, mais il prend le temps de le ravaler. Ca ne l’a jamais beaucoup amusé. Si Ezio est honnête, alors lui aussi se doit de l’être. « Je les ai entendus en parler quand on est rentrés, mon père et elle. Le lendemain, ils étaient partis. » Sa gorge se serre un peu alors qu’il se revoit, dans les méandres de l’alcool, ouvrir la porte de cette chambre après avoir ouvert celles des autres, pensant naïvement y trouver l’un de ses deux parents jouer à cache-cache. Il tousse un peu pour délier sa gorge et boit une autre gorgée. Il devrait arrêter de boire avant de ne plus pouvoir réfléchir correctement aux questions. « J’ai pris deux ans à réaliser, parce que moi on a établi que j’étais pas le plus malin de la ville. Je me suis dit … » Il réfléchit, un peu, et cette fois, son regard capte celui d’Ezio. Il ne s’était jamais demandé ce qu’il s’était dit. Il lui semblait qu’il avait aussitôt décidé de fuir cette réalisation. Pourtant, il s’était dit quelque chose. Comme une évidence, un petit rire triste s’échappe de ses lèvres, et il hausse les épaules. « Je me suis dit qu’ils avaient raison. » Que la peur, c’était instinctif. Qu’ils avaient fait le bon choix, parce qu’il était vraiment dangereux, finalement. Que l’idée même d’être dangereux l’amusait. Que tout le monde devrait le réaliser. Que tout le monde le réalisait un jour. Que c’était pour ça que tout le monde partirait petit à petit, et qu’ils auraient toujours raison.

Il se passe une seule seconde mais elle lui semble s’étendre pendant des heures tant elle le pousse à réfléchir à tout ce que cela veut dire, à tout ce que cela implique. Alors il ferme les yeux rapidement et il ravale ses souvenirs pour se concentrer sur le moment présent. Sur ce qu’il veut. Sur ce pourquoi il fait cela. Ezio. Ezio doit lui dire la vérité. Ezio qui ne cesse de diminuer la gravité de la situation. Ezio qui ne regarde pas les choses en face non plus. « Qu’est ce qu’il te disait, qui était tellement plus grave que les coups ? Qu’est ce que tu penses de ce qu’il te disait ? » Est-ce qu’il l’entend toujours ? Est-ce qu’il le croit toujours ? Sans doute. Il regarde la bouteille entre ses mains et la pose devant Ezio. Il ne devrait sans doute pas l’encourager à boire. Ca ne doit pas lui rappeler de bons souvenirs. Pourtant, il n’arrive toujours pas à voir comment l’aider à s’oublier sans cela.
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Ezio Galvani

26.04.21 22:46






Il est un peu étourdi alors qu'il parle. Alors qu'il parle de ce secret qu'il avait tant pris l'habitude d'éviter qu'il espérait finir par l'oublier. Alors que, de toutes les personnes sur cette planète, c'est à Dante qu'il en parle. Il n'avait jamais été plus loin que simplement affirmer que son père n'était pas quelqu'un de bien. Aucun détail. Pas même avec Milo, pas même avec Drake. Il se demande si Elpis avait fait exprès de réunir les deux ennemis dans cette maison. Comme si la force supérieure savait qu'il y aurait un avant et un après pour eux deux. Il ne sait pas trop s'il devrait la maudire ou la remercier, mais ce soir, il connaîtra Dante plus que jamais et il en a envie.

Il évite le regard de l'autre alors que les mots sortent. Il ne sait pas trop pourquoi. Peut-être qu'il ne veut pas y lire toutes les choses qui font qu'il n'avait jamais voulu en parler à personne. Il minimise, il veut passer à autre chose. Il veut que ce soit Dante qui raconte. Alors, il enchaîne, vite, mais le blond ne le suit pas. Il l'arrête net dans sa tentative de fuite et le voilà obligé de relever les yeux, obligé d'affronter le visage où se dépeint la colère. Il pose toutes les questions qui font mal. Toutes celles auxquelles il ne connaît pas la réponse parce qu'il n'y avait jamais réfléchi. Parce qu'elles ne lui ont jamais traversé l'esprit et il ne peut que hausser les épaules.

Il n'a pas su comprendre qu'il avait été manipulé, à coup de d'hématomes ou de paroles assassines. Il se sentait un peu plus faible à chaque goutte de sang et un plus pathétique à chaque larme, jusqu'à ne plus en verser aucune. Par honte. De ce que les autres pourraient penser de lui, mais plus encore par honte de son propre reflet meurtri dans le miroir. Parce qu'il n'était pas si jeune, pas si maltraité, parce qu'il s'est toujours dit qu'il y avait bien pire ailleurs et qu'il n'avait pas le droit d'être triste. Alors, il a tout caché derrière des sourires et c'était sa façon à lui d'être fort. "C'était mon père, celui qui m'avait aimé pendant des années. Je crois simplement qu'au fond, je n'ai jamais réussi à le détester. C'était plus simple de lui trouver des excuses." 

Il s'empare à nouveau du joint, se déleste de la bouteille, maintenant que c'est au tour de Dante. Pendant un instant, il a peur qu'il ne réponde pas. Que le moment soit brisé et que l'opportunité ne se représente jamais. Il ne dit rien pourtant, il attend, laisse le temps et l'espace à l'autre et, finalement, il parle. Bien sûr qu'il connaît le diagnostique, comme tout le monde dans la ville. Il se rappelle lorsqu'il l'a appris. Il se souvient avoir été surpris quelques minutes avant de se dire que cela ne changeait pas grand chose. Avant de bouillonner de colère parce que personne n'a le droit d'exposer ainsi la vie des gens pour les décrédibiliser, encore moins de cette manière. Il se souvient de l'agacement qu'il avait ressenti envers toutes ces personnes qui s'étaient moquées ouvertement des candidats, les avaient jugés, comme si eux-mêmes n'avaient aucun secret. Ces choses inavouables que l'on dit, que l'on fait ou que l'on pense que l'on voudrait emporter avec nous dans la tombe. Mais, maintenant, il sait pour le diagnostique de Dante, alors il hoche la tête.

Il est pendu à ses lèvres et il a peur d'entendre la suite. Il connaît déjà la fin de l'histoire pourtant, mais elle n'en reste pas moins douloureuse. C'est son aveu qui l'achève. Il s'est dit qu'ils avaient raison. Il a un peu l'impression qu'il peut sentir son cœur se briser encore un peu plus qu'il ne l'est déjà, à souffrir pour celui qu'il aurait aimé voir disparaître de sa vie des mois, des années auparavant. Il ne peut s'imaginer quelle sensation cela peut faire d'être abandonné par les personnes qui auraient toujours dû être là pour lui. Si son père n'a jamais été un exemple, il n'est cependant jamais vraiment sorti de sa vie. Il n'est même pas certain qu'il l'aurait voulu parce que parfois, quelques jours dans l'année, il était sobre et il redevenait l'homme d'avant. Il ressent autre chose que simplement la peur, il y a aussi une rage qui boue doucement au fond de lui. Il observe Dante au travers du flou alcoolisé devant ses pupilles et il a envie de lui crier qu'il a tort. Qu'ils n'avaient pas raison et que rien ne peut justifier l'abandon de son enfant. Cet abandon qui a certainement façonné l'homme en face de lui plus que tout le reste. Plus encore que le trouble qu'il l'atteint. 

"Ils avaient tort. Tu vois, toi aussi tu avais cherché des excuses à quelqu'un qui ne le mérite pas." Il ne méritait pas d'être laissé tout seul, si jeune, avec une si lourde nouvelle à porter. De même que lui-même ne méritait aucun des coups qu'il a reçus, malgré toutes les justifications qu'il continue de chercher et de trouver. "Alors, tu as tout appris tout seul ? En grandissant ? Comment tu as fait pour faire taire la solitude ?" Il a un peu peur de la réponse, parce que les drogues et l'alcool qui s'étale sur le lit ce soir sont certainement l'échappatoire. La solitude qui ne part pourtant jamais vraiment. Mais il a posé trop de questions et ce n'était plus vraiment son tour alors il essaie de ravaler son envie de tout savoir, tout comprendre de l'autre, pour écouter la suite.

Il n'aime pas trop ce qu'il lui demande parce qu'il n'y a jamais réfléchi. Mais c'est bien là tout l'enjeu de leur échange, ne plus rien cacher. Ni à soi-même, ni à l'autre. Il n'arrive plus à réfléchir à ce qu'il doit dire ou pas, bois encore, s'allonge finalement sur le lit parce que tout tourne trop. Parce qu'il a trop bu, trop fumé, parce qu'il ressent tout trop fort et que les souvenirs sont lourds à porter. "Il disait qu'il aurait préféré que je sois plus comme ma sœur, que je me fasse moins remarquer, que je sois plus discret. Plus normal." Il soupire un peu, sa voix est traînante, les mots se mélangent un peu les uns aux autres. C'est de plus en dur d'articuler, pourtant, c'est de plus en plus naturel de se livrer. "Il disait qu'il aurait préféré me perdre moi plutôt que ma mère." Il s'arrête un instant, plonge ses yeux dans ceux de Dante. "J'ai pensé qu'il avait raison." Et cela le fait sourire tristement. Parce qu'ils sont tellement plus proches qu'il n'avait pu l'imaginer. Parce qu'il a envie de faire payer ceux qui ont fait souffrir le blond et qu'il comprend seulement maintenant qu'il aurait aussi dû avoir la même rage envers son père. "On est vraiment pathétiques, en fait." Il cligne des yeux et il sent une larme couler le long de sa joue. Une seule.
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Dante Motisi-Smeraglia

29.04.21 22:24
Ezio rouvre la bouche, et il assume, et il dit la vérité même si ça a l’air de lui arracher la gorge. Il soutient son regard et il ne cherche plus d’excuse, il prononce des mots qu’il doit à peine croire même s’il doit les savoir vrais, alors Dante ravale le reste de ses paroles assassines pour le laisser respirer, au moins un petit peu, au moins le temps de répondre à son tour. Il lui doit bien ça. Il déglutit et le silence plane un peu tandis qu’il essaye de former une réponse dans sa tête qui sonnerait meilleure que la vérité, tandis qu’il se reprend et qu’il essaye de dire les faits, rien que les faits. Il se demande pourquoi ils se font ça. Pourquoi ils replongent dans des souvenirs douloureux, brûlants. Pourquoi ils s’enfoncent mutuellement. Il refuse de voir qu’ils se font peut être du bien, en exposant leurs plaies ouvertes, en partageant leurs fardeaux mutuels. Il refuse de penser qu’il a un peu envie de l’aider et de l’alléger tandis qu’il le questionne, il refuse de penser que réfléchir le force à enfin mettre de l’ordre dans ses idées, dans ses pensées, dans les voix moqueuses qui ont remplacé sa conscience, et que ce n’est pas un simple jeu poussé par de la curiosité malsaine qu’ils ont mis en route. C’est plus familier de penser ainsi. C’est moins effrayant de s’ouvrir le cœur quand on pense qu’on l’utilisera contre nous plutôt que d’imaginer qu’on souhaite y mettre des pansements. C’est moins dangereux. L’espoir a toujours été un mauvais choix.

Il s’est dit qu’ils avaient raison, et aujourd’hui il le réalise avec une once d’amusement. Le regard d’Ezio lui hurle les paroles qui allaient suivre, et il a envie de le traiter d’hypocrite, il a envie de se moquer de lui, il a envie de lui dire qu’il ne peut pas dire cela alors qu’il était prêt à ruiner sa vie quelques mois auparavant, alors qu’il aurait pu le pousser au suicide pour faire plaisir à Milo, alors qu’il a toujours su qu’il n’était pas digne de confiance. Il a envie de le secouer dans tous les sens et de lui interdire d’avoir pitié de lui, de lui interdire de ressentir quoique ce soit d’autre que de la peur, parce qu’il n’a pas le droit, parce que c’est sa norme, maintenant, parce qu’il veut continuer à pouvoir se convaincre que tout ce qui lui est arrivé était mérité, et qu’il n’est pas et ne sera jamais une victime des circonstances, un produit de son environnement, un enfant qui pleure. Il ne fait rien de tout ça, pourtant, et il se contente de serrer la mâchoire quand le journaliste le défend. « Ne parle pas comme ça de… » Sa voix meurt dans sa gorge et il déglutit avant de regarder ses propres mains. Il a parlé sans réfléchir. Lui aussi, il se trouve des excuses. Il lui trouve des excuses. Elle est toujours sur un piédestal et il préférerait mourir que de l’en faire tomber. Mais ce n’est plus une excuse, parce qu’à cause de tout cela, à cause de tout ce qu’il est devenu après elle, il préférerait mourir que beaucoup d’autres choses. Il préférerait mourir que de devoir continuer à vivre.

« Peut être. Peut être que j’ai jamais arrêté. » C’est certain. L’avoue lui serre le cœur et lui donne un peu envie de vomir, mais Ezio n’est pas loin, alors il se contente de prendre sa main à lui pour jouer avec, pour s’occuper les mains tandis que les questions déferlent et qu’il voudrait passer à autre chose, qu’il voudrait le questionner lui, qu’il voudrait pouvoir respirer et oublier et fuir, au moins une seconde de plus, au moins une année de plus, au moins une vie de plus. « Tu triches. » C’est murmuré, mais ce n’est déjà plus agressif. Il sourit un peu, tristement, et il enregistre les questions dans un coin de sa tête même si l’autre se doute déjà sans doute des réponses. C’est à lui de demander. C’est à lui d’apaiser son âme en se rassurant à l’idée qu’il n’est pas le seul à souffrir, qu’il n’est pas le seul à avoir fait de mauvais choix, qu’il n’est pas le seul à exister sans le vouloir vraiment à cause d’un parent trop égoïste.

Il se retrouve allongé à côté d’Ezio sans le réaliser. Il a lâché sa main mais leurs têtes sont collées, étrangement positionnés sur ce lit trop grand. La pièce tourne et eux aussi, ou peut être que rien ne tourne mais qu’ils sont en train de s’évanouir. Il reprend sa main pour s’ancrer dans le moment présent et ne pas se laisser emporter par les illusions et les angoisses. Il reprend sa main pour ne pas prendre une autre pilule ou une autre gorgée. Il reprend sa main pour l’écouter. Les mots cruels flottent entre eux et Dante imagine ce qu’il aurait ressenti s’ils lui avaient été adressés. Il essaye de comprendre ce que ressentirait un adolescent qui se dit que la vie de sa mère valait plus que la sienne à cause de son père. Il essaye de comprendre mais ne le peut pas, ne le pourra jamais. La colère et l’envie de vengeance qu’il ressent, par contre, lui sont bien plus familières, et alors que les derniers mots du journaliste résonnent dans la pièce, il ne peut s’empêcher de se dire que c’est peut être ce que ressent l’autre en entendant son histoire à lui. Qu’ils sont tous les deux en colère pour quelque chose qui est arrivé à quelqu’un d’autre mais pas pour ce qui leur est arrivé à eux. Qu’ils voient les coupables clairement dans l’affaire de l’autre mais préfèrent se donner ce rôle dans la leur.

Un petit rire s’échappe de ses lèvres, qui grandit doucement. L’alcool et la drogue lui montent encore à la tête, et la position n’aide pas à garder sa respiration. Bientôt, c’est un fou rire un peu triste, un peu amusé, qui le secoue. « Complètement. Regarde nous. Défoncés à 26 ans, sur un lit, alors qu’il y a une grosse soirée en bas, à parler de nos enfances tristes et à réaliser à peine où on a merdé. Nous. Alors qu’il y a deux mois, j’étais prêt à te pousser du haut d’un toit sans réfléchir. » Ca n’a aucun sens. Ca n’a aucun putain de sens. C’est comme tout le reste, finalement. Sa main s’est agrippée à celle d’Ezio sans qu’il ne le réalise, et il n’y a que ça qui l’ancre maintenant qu’il peut à peine soutenir son regard, mais pourtant toujours un peu plus qu’avant. « T’as posé deux questions, alors moi aussi je pourrais. Je réponds avant ceci dit. » Ses yeux cherchent un point d’accroche, et il lui semble bien apercevoir un jeune homme dans un coin de la pièce lui faire de grands signes, mais ça ne peut être qu’une hallucination, parce qu’il n’entend que la respiration du brun, alors il n’y fait pas attention. « J’ai rien appris du tout. Enfin, j’ai été un peu à l’école, surtout au début, donc j’ai appris les bases je suppose, mais j’étais pas très bon élève et j’en avais pas grand-chose à faire, alors vu que personne me disait de faire mes devoirs ou d’apprendre mes tables, je le faisais pas. J’étais en retard au début de ma scolarité, à la ramasse à la fin. Je sais toujours pas compter correctement ou lire des trucs plus longs que des textos. Mais j’ai des sous alors personne a rien dit et personne dira rien. » Il a un petit sourire arrogant qui vient plus par habitude que par envie, et il prend une grande inspiration par le nez pour pouvoir avoir les idées assez claires pour continuer d’articuler des mots. La honte remue dans son estomac, à l’idée d’avouer tout cela à quelqu’un, à l’idée de laisser voir ses faiblesses. Il se revoit face à Bethany quand elle a compris qu’il ne savait pas lire, attaquer le plus fort possible et lutter corps et âmes pour qu’elle oublie cette information et qu’elle parte pour toujours. Ca ne le dérange presque pas, avec Ezio. Il sait déjà. Il peut bien tout savoir. Au fond, il sait que tout restera entre eux, et sans doute dans cette pièce. Que tout sera fermé à clef avec elle quand Ezio partira.

« Et je me médicamente, majoritairement. Mais ça je pense que tu t’en doutais déjà. » Il fait tourner une pilule prise dans le fond de sa poche entre deux doigts avant de la lancer en l’air et d’ouvrir la bouche. Il rate, et elle atterrit sur le lit, alors il referme la bouche et se redresse sur ses coudes juste assez longtemps pour tenir un peu sur ses jambes sur le lit, juste assez pour glisser sur les draps jusqu’à pouvoir glisser sur le journaliste et s’asseoir sur sa taille. Cette fois, il capte son regard, ce regard trouble et vague, un peu perdu, cette trace de larme au coin de l’œil qu’il vient caresser avec son pouce négligemment. Le brun est ailleurs, lui aussi. Le monde tourne, mais lui ne tourne pas, et c’est tout ce qu’il a envie de regarder alors qu’il rouvre la bouche. « Ta sœur savait pas ? Pourquoi tu l’as dit à personne ? Pourquoi personne a vu ? » Il imagine Ezio plein de bleus et le regard baissé. Il l’imagine sans doute pire qu’il a pu l’être physiquement, mais sans doute pas pire qu’il ne l’était mentalement. Il l’imagine s’il avait été à l’école avec lui et qu’ils avaient été amis, et il imagine tout ce qu’il aurait pu faire pour lui. Pour la première fois, il regrette de ne pas l’avoir rencontré plus tôt, alors même qu’il n’aurait rien pu faire pour lui.
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Ezio Galvani

06.05.21 22:18






Il observe Dante et il se demande si, pour la première fois de leurs vies, ils sont en train de se faire plus de bien que de mal. Si, pour une fois, la douleur a un sens nouveau. Il ne veut pas faire souffrir l'autre. Il le regarde comme s'il le découvrait pour la première fois, comme s'il le voyait enfin vraiment pour qui il est. Il ne devrait pas se dire cela, pas alors que tout en lui hurle qu'il a mal. Pas alors que la bouteille lui glisse presque des mains et que la drogue ralentit chacun de ses mouvements. Il n'y a rien de bon là-dedans, ni dans leur relation malsaine, ni dans leurs comportements autodestructeurs. Mais c'est un mal différent et il se dit vaguement que c'est moins terrible que le reste. Que peut-être, ils sont obligés de passer par là pour ne pas en finir et que, dans une logique tordue, ils se font du bien. Il ne veut pas savoir si Dante pense la même chose, il veut simplement qu'il reste avec lui cette nuit. Qu'il ne retourne pas en bas pour s'oublier dans la fête sans importance. Qu'ils continuent à se faire du mal pour aller mieux.

Ils sont pareils, finalement. Lui aussi, il veut défendre des parents qui lui ont fait du mal parce que c'est plus facile que de voir la vérité en face. Il comprend, oh comme il comprend. Cette réalisation ne le rassure pas vraiment, au contraire, elle réveille la rage en lui. Ils méritaient mieux tous les deux, Dante méritait mieux. La main du blond vient trouver la sienne, le contact est naturel et rassurant. Comment en étaient-ils arrivés là ? Ses doigts viennent jouer avec ceux de l'autre et il tente de continuer à le faire parler. "Je ne triche pas, il n'y a jamais vraiment eu de règles à ton jeu." Ils n'en sont plus là, de toute façon. Il sourit un peu en s'allongeant, ne bouge pas quand il sent Dante s'installer à côté de lui sur les draps, un peu trop proche. Ou bien pas assez. Son cœur ne ralentit pas vraiment sa course effrénée, mais c'est maintenant bien plus à cause de la drogue dans son système qu'à cause de l'anxiété et c'est moins désagréable.

Il fixe le plafond alors que les mots quittent sa bouche, serre la main du blond pour ne pas sombrer. C'est douloureux de parler de tout cela à voix haute et pourtant, il a l'impression de pouvoir respirer un peu plus facilement. C'est égoïste de se dire qu'ils peuvent être deux à porter les poids de chacun. Si l'autre tombe, ils s'écraseront sans jamais pouvoir se relever. Il n'a pas réellement peur, il a trop bu et fumé pour l'être à cet instant. Une larme coule, mais ce n'est plus vraiment de la tristesse. Le soulagement, la fatigue écrasante, la colère sourde. Ce sont toutes les émotions à la fois et c'est le vide. Il tourne la tête, son visage à quelques millimètres à peine de celui de Dante tandis qu'il l'observe rire. Il entend la peine dans l'hilarité et il se dit qu'il n'a jamais été aussi beau qu'ainsi. Que son visage, que son corps et que tout son être a été fait pour être le temple de la douleur cachée par les sourires aveuglants. Il se dit que la fatalité de cette réalisation est déprimante, mais qu'elle est aussi tout ce qui fait de Dante qui il est. Il se dit qu'il commence peut-être à trop apprécier qui il est. "On pourrait sauter tous les deux en même temps du haut de l'immeuble maintenant. Mais honnêtement, ça serait du gâchis parce que je préfère être défoncé à 26 ans sur ce lit." Il lui sourit, c'est un sourire sincère.

Le blond accepte enfin de répondre, alors il écoute chacun des mots avec toute l'attention qu'il arrive à lui donner tandis que le monde tourbillonne autour de lui. Il remarque le regard de l'autre lancé dans le coin de la pièce, fronce un peu les sourcils lorsque lui ne voit rien, se demande s'il est en train d'halluciner. Et puis, il passe à autre chose et se concentre sur son visage à la place. "Tu sais, au début je me demandais pourquoi tu n'étais pas encore venu me pourrir à coup de remarques bien senties sur mon blog. Ca aurait pu être drôle, mais c'est vrai que ça ne vaut pas toutes les insultes qu'on a pu s'infliger de vive voix." Il ricane doucement. Ses pensées sont lentes, mais il a l'impression de pouvoir se rappeler de tous les échanges assassins qu'ils ont pu avoir. Leur première rencontre dans son salon, devant Milo, à tenter de blesser l'autre. A la première réunion de la Gay Pride, à la deuxième, à toutes les suivantes. Au bar, en festival, chez Drake, au parc, devant n'importe qui, à n'importe quelle heure. Ils n'avaient jamais pu se croiser sans s'insulter, sans chercher à faire mal et c'était devenu une habitude. Tout le monde soupirait en les voyant dans la même pièce, prêts à assister à une scène de plus. "Tu te souviens quand je t'ai frappé une fois ?" Il rigole un peu plus, il ne sait pas trop pourquoi, mais tout paraît très drôle tout à coup. Oubliée la larme qui commence à sécher sur sa joue rougie.

Il s'arrête net pourtant quand Dante s'assoit soudainement sur sa taille. Il doit faire des efforts surhumains pour garder les yeux ouverts, encore davantage pour écouter les questions, pour tenter d'y associer une réponse cohérente. Alors, il n'y réfléchit plus vraiment, ouvre la bouche et laisse les mots s'échapper sans les contrôler. "Elle est partie, elle me détestait. On ne peut pas vraiment lui en vouloir, j'avais couché avec son mec. Mikjàll." Il n'a même plus la force de ressentir la culpabilité habituelle. A la place, une de ses mains vient se poser sur la taille de Dante et il se raccroche à lui pour s'assurer qu'il est toujours ancré dans la réalité alors qu'il a le sentiment que son esprit s'est envolé ailleurs, dans d'autres galaxies peut-être. "J'avais personne à qui le dire à part Mikjàll. Je ne sais pas si ça l'intéressait vraiment au final, mais au moins, il était là. Je crois qu'il écoutait uniquement pour m'avoir dans son lit." Il hausse les épaules comme si rien de tout cela ne l'atteignait et c'est peut-être le cas. Mikjàll ne peut plus vraiment l'atteindre à présent qu'il a déjà tout gâché. L'amour n'est pas fait pour lui, il pense. "Tu serais étonné de savoir à quel point c'est facile de masquer un hématome. Ou à quel point les gens s'en fichent." Son doigt effleure la pommette de l'autre, là où se trouvaient parfois les marques de son père, avant de bien vite retirer sa main. "Mon tour." 

Il se redresse sur ses avant-bras, vient puiser dans les dernières forces de son corps déjà léthargique pour venir inverser leurs positions. Il s'installe sur les cuisses de Dante, retire la pilule de ses doigts pour venir la poser sur la table de chevet. Ils sont déjà ailleurs, il veut s'assurer qu'il reste en état de lui répondre. "Est-ce que tu as déjà confronté tes parents ? Tu leur as demandé s'ils ont fait ça par peur ou par honte ? Est-ce que tu le feras un jour ?" Les réponses ne changeraient certainement rien, ne pourraient jamais effacer des années passées ainsi. Peut-être que Dante ne veut pas des réponses après tout. Peut-être qu'il n'a plus besoin de cela, que c'est trop tard. Il plonge ses yeux dans les iris bleus et il a déjà l'impression de mieux comprendre le reflet de l'âme qui s'y cache. 
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Dante Motisi-Smeraglia

18.05.21 23:21
Il rigole tandis qu’Ezio triche, tandis qu’il lui répond, tandis qu’il le cherche, tandis que ses plaisanteries sont autant de mauvais goût que celles que lui aurait pu faire. Quelque part, ça ne doit pas être bon pour Ezio, de rester dans cette atmosphère. Peut être que ça les aide, de parler, d’avouer, de réaliser, de se mettre à la place de l’autre pour comprendre leurs propres problèmes, mais ça ne peut que mal finir. Parce que Dante tient la main du journaliste, et qu’il ne s’imagine déjà plus la lâcher. Parce qu’ils sont au bord du précipice, et qu’il a l’impression d’avoir trouvé quelqu’un avec qui plaisanter de cette limite, de ce vide proche, de cette chute possible, alors qu’ils sont censés lui tourner le dos, au vide, et aller vers l’arrière, vers le monde stable, vers les autres qui ont la main tendue, vers le soleil et le jour et la vie. Lui ne pourrait pas tenir une main trop loin des ténèbres, alors autant qu’ils y restent tous les deux.

Ezio regarde Dante et le voit vraiment, et Dante tourne la tête vers lui avec un petit sourire, et pour une fois, il a réellement l’impression de le voir, lui aussi, ce garçon qui a rejeté la vérité trop longtemps parce que c’était plus facile, parce que c’était plus pratique, parce que personne n’avait à subir ses sautes d’humeur, parce qu’il voulait être le méchant de l’histoire des autres plutôt que la victime. Il le voit et il ne se reconnaît pas vraiment en lui, mais il reconnaît quelque chose qu’il aurait pu être, qu’il aurait pu vouloir être, qu’il aurait pu aimer corps et âme. Qu’il pourrait toujours, peut être. « Moi aussi. » Il n’a pas envie de disparaître, quand Ezio le regarde sans masque. Il n’a même plus vraiment envie de se cacher. « Oh oui je me souviens, on m’en avait parlé je crois ! » C’est toujours trop dur de prononcer son nom sans le cracher. Juste de penser à lui envoie une bouffée de colère dans sa gorge, et il doit la ravaler avant de finir sa pensée en riant. « J’ai même pas eu le courage de lancer l’audio description, j’ai vu les images et j’ai fermé l’ordi. Ca aurait été trop facile à attaquer. » Il se souvient avoir imaginé Ezio avec de grosses lunettes en train d’écrire des théories du complot sur les fantômes, sur Elpis, sur des meurtres cachés. Ironique, quand on sait où ils en sont, aujourd’hui. « Oh oui je me rappelle ! Bertel avait vengé mon honneur ce jour là, mais j’avoue que j’avais été surpris. » Il peut parler de Bertel, maintenant. Il n’a presque plus d’importance. Il se souvient mieux du coup que du visage de son premier meilleur ami. Il se souvient mieux de la réaction de son dernier meilleur ami que du coup. Il se souvient de la première fois qu’il a réellement été énervé contre Milo, et son sourire se fait un peu amer quand il réalise qu’ils en sont bien loin, aujourd’hui.

Mais il oublie vite les pensées quand sa curiosité prend le dessus, et il a du mal à tenir droit sur Ezio, mais il essaye, et c’est tout ce qui compte, parce que l’important maintenant est d’écouter les réponses. Il le fixe sans même penser à cligner vraiment des yeux, trop occupé à faire une grimace à la mention de Mikjall, à la mention de comment il a pu l’utiliser, à l’idée que personne n’ait pris la peine de remarquer. Puis il sourit un peu tristement, un peu honnêtement aussi. « Ca m’étonne pas vraiment. Les gens ont jamais vraiment envie de voir derrière les sourires. Ils veulent pas poser de questions. » Sauf Ezio. Parce qu’il est journaliste, peut être. Parce qu’il est curieux, aussi. Sauf lui-même. Parce qu’il est curieux, sans aucun doute. Personne ne cherche à comprendre. « En même temps nous non plus on a pas essayé d’imaginer qu’il y avait autre chose chez l’autre. » Il revoit vaguement les insultes, les coups, les cris, les provocations, et il sait qu’à aucun moment il n’a voulu se mettre à la place d’Ezio, à aucun moment il n’a imaginé qu’il ne puisse souffrir. Ezio n’existait que pour lui voler Milo. Quelle ironie.

Leurs positions sont inversées, et il a le tournis pendant quelques secondes avant de bouger sa main dans le vide dans un faible essai pour récupérer sa pilule. Il abandonne bien vite, pourtant, et il soutient le regard adverse en écoutant sa question. De nouveau, un petit rire s’échappe d’entre ses lèvres. Il n’est plus vraiment triste, pourtant, son esprit est déjà bien trop ailleurs, et le flot de parole s’échappe comme s’il racontait une bonne blague, comme si tout cela n’avait déjà plus aucune importance. « Oh non. Je les ai jamais revus, après le diagnostic. » Il y a un flottement tandis qu’il remue la main en l’air pour se contredire sans mots, puis avec. « Enfin non, c’est pas vrai, j’ai reparlé avec ma mère très exactement trois fois depuis. La première fois c’était parce que je voulais sortir de désintox alors on a fait un deal pour qu’elle me laisse. La deuxième c’est parce qu’elle voulait que je largue mon mec. La troisième c’est parce qu’elle m’annonçait que j’allais me marier. J’ai jamais vraiment eu le temps d’en placer une. Enfin j’aurais pu la troisième fois parce que c’était moi qui l’appelait, mais j’étais encore sous antidouleurs alors je me souviens pas ce que j’ai dit. » ll rit un peu, encore, en se souvenant. Il n’a sans doute pas dit grand-chose, à part qu’il voulait revoir Aleksy. Il n’avait pas vraiment envie d’être réveillé, à ce moment là, de toute façon, alors encore moins de savoir la vérité. La vérité avait peu d’importance, maintenant.

Son pouce vient caresser la lèvre d’Ezio, et il utilise ses dernières forces pour se hisser sur ses coudes et lui voler un baise, lui voler un peu d’oxygène, lui voler un peu de chaleur, lui voler un peu de soutien avant de ne ressentir que du vide, puis il se laisse retomber et pose ses mains sur sa taille à la place. Son cœur bat vite, à l’idée qu’il soit si proche, comme si c’était toujours la première fois, comme s’il n’avait pas l’habitude, comme s’il y avait une réponse sur le sens de la vie dans ses yeux. « Tu vas toujours le voir ? Ton père. Tu vas lui pardonner ? » Le mot sonne âcre sur sa langue, et presque aussitôt, l’éclat dans ses yeux change un peu, et une autre question lui vient. « Tu veux te venger ? » Il pourrait le venger. Dante avait toujours été doué pour venger les autres. Il avait terrorisé les bully d’Alessandro, il avait fait regretter les ex de Milo, il avait fait fuir les courtisans d’Artemia, il avait enfermé Mikjall, il avait causé la mort de Kurachenko, il avait fait de la vie de plusieurs personnes un enfer sur terre. Il lui semble en cet instant que rien ne serait plus agréable que de détruire la vie du père d’Ezio, pour le venger d’avoir détruit la sienne.
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Ezio Galvani

29.05.21 0:06






C'était idiot de penser que leur conversation ne finirait pas par dériver sur Milo d'une façon ou d'une autre alors qu'il a toujours été le lien entre eux deux. Le prénom n'est pas prononcé, les souvenirs ne sont pas centrés sur lui en particulier, mais ils y pensent tous les deux. Il voit l'éclat étrange qui allume le regard de Dante et il a un peu mal au cœur. Il aimerait un jour pouvoir regarder l'autre sans penser à Milo. Il y arrive de mieux en mieux avec les jours qui passent, à force de murs entre eux qui s'effondrent, qui deviennent si ténus comme ce soir qu'ils en sont presque invisibles. Il connaît Dante pour qui il est à présent, plus simplement au travers du prisme de l'homme qu'il aime. Qu'il a aimé. Il le préfère ainsi.

Il parle sans retenu, s'ouvre pour ne plus rien avoir à cacher. Il touche aussi, laisse ses doigts se balader sur la peau, agripper le tee-shirt, sentir le contact physique pour ne pas tomber et pour se rappeler qu'il n'est pas tout seul. Il observe, avec des yeux incertains qui ont du mal à se poser, mais qui se raccrochent au visage de l'autre pour rester ancrer dans l'instant. "Je ne suis pas certain qu'on puisse supporter de connaître les secrets que cachent les sourires de toutes les personnes que l'on connaît." Il a beau être curieux, il est égoïste aussi. Comme beaucoup, comme tout le monde sûrement. Lui non plus n'a jamais cherché à comprendre l'énigme qu'a toujours représentée Dante, il a préféré le détester. Il pensait que c'était bien plus simple ainsi que de faire le moindre effort, mais il avait tort. C'est plus simple d'accepter de voir toutes les fêlures de son âme et toutes les ombres dans son regard. C'est bien plus simple de ne plus se sentir aussi seul.

Il se retrouve au-dessus de Dante à présent et c'est à lui de poser les questions qui lui brûlent les lèvres. Ils ont déjà soulevé les points les plus importants et sont de moins en moins aptes à poursuivre cet échange si lourd, mais il en veut plus. Il veut les détails, il veut les sentiments, il veut placer les pièces manquantes du puzzle pour avoir la vue complète. Les mots du blond lui font mal, il serre les poings en réalisant l'injustice de la situation. Des parents qui ne voulaient plus rien avoir à faire de leur fils, mais qui contrôlent tout quand même. Qui essaient de contrôler ses sentiments. Il se rappelle vaguement d'Aleksy. De ce Russe menaçant qu'il n'avait rencontré qu'une seule fois, mais qui semblait être là pour rester. Il était parti du jour au lendemain, il comprend mieux. "Je ne comprends pas tes parents." Il entend l'agacement dans sa propre voix, la pointe de tristesse aussi. "Ils ne peuvent pas décider de te tourner le dos et puis d'intervenir dans ta vie quand ça les arrange." Il aimerait pouvoir remonter le temps, donner à Dante ce qu'il désire le plus, lui redonner l'amour, et s'assurer que rien ni personne ne puisse le lui enlever. Il a aussi envie d'aller voir ses parents, de leur hurler sa rage dessus et de leur montrer à quel point leur réputation ne sera jamais aussi importante que la vie de leur propre enfant. De la chair de leur chair, de la seule personne qui devrait compter plus que tout le reste à leurs yeux.

Ses pensées tourbillonnent et puis s'envolent lorsque Dante pose ses lèvres contre les siennes. Il répond au baiser si naturellement qu'il aurait pu s'en inquiéter si seulement il en avait la force. C'est rapide, un brin désespéré, et il en avait tout autant besoin que l'autre. Il en veut plus et il se retient de chasser la bouche qui s'en va déjà. La bouche qui, a la place, pose déjà les questions suivantes. Les mots le font sourire un peu tristement. Peut-être parce qu'il aurait aimé lui répondre que oui, il allait se venger, ou bien qu'au contraire, il avait appris à pardonner. La vérité est qu'il a toujours été bloqué entre les deux émotions à ne plus savoir quoi faire ni quoi ressentir envers cet homme qu'il n'a jamais pu aimer, mais qu'il n'a jamais su détester. "Il est mort. Elpis s'est chargée de lui avec le grand tremblement de terre." Il hausse les épaules comme pour se convaincre que tout ceci ne lui fait ni chaud ni froid. Il aimerait que ce soit vrai, mais son cœur se serre et ses yeux se mouillent et il déteste tout.

Il soupire, laisse ses mains se poser sur les joues de Dante pour s'assurer qu'il ne détourne pas la tête. "Et toi, tu veux te venger ? Tu voudrais que je t'aide à te venger ?" Il n'est pas de ce genre-là d'habitude, mais son regard s'assombrit à cet instant et il le pense vraiment. Il y a un feu nouveau en lui, et même s'il se sera certainement consumé au petit matin, il embrase tout son être. "Je voudrais que tu sois libre." C'est un murmure que Dante n'est même pas censé entendre, mais il le pense si fort qu'il aimerait le crier à la terre entière. Sa main rejoint celle de Dante, caresse la cicatrice, remonte sur son poignet, sur son bras, sur les marques, sur chaque grain de beauté. Il touche comme pour lire l'histoire qu'est le blond et bientôt, ses lèvres épousent à nouveau les siennes. C'est un peu trop fort et leurs dents claquent, mais c'est un baiser presque aussi vital que sa respiration. "Tu ne voudrais pas tout quitter parfois ? Ne garder qu'une ou deux personnes dans ta vie et quitter la Sicile, quitter le continent peut-être et recommencer à zéro ?" Il ne s'était jamais senti pris au piège à Palerme avant, mais à présent, il ne sait plus. Peuvent-ils seulement être libres quelque part ?
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Dante Motisi-Smeraglia

17.06.21 16:05
Il a sans doute raison. Ce ne serait pas vivable, de tout savoir. Il n’est même pas certain de tout savoir sur lui-même. Il sait qu’il ne le voudrait pas. Pourtant il lui a toujours semblé avoir voulu le plus d’information possible sur tous ceux qui l’entouraient. Peut être que c’était uniquement pour avoir le pouvoir sur leur relation. Peut être que ça ne l’atteignait pas parce qu’il ne le laissait pas l’atteindre. Parce que ce n’était que des faits et des pièces d’échec. Peut être que c’est différent parce que Fenrir est humain. Peut être que c’est différent parce que plus le temps passe, plus Fenrir lui semble plus réel que qui que ce soit ou quoique ce soit d’autre. Alors quand il serre le poing, Dante se contente de le regarder avec un petit sourire amusé. Il est toujours en colère. Il ne devrait sans doute pas être si satisfait d’énerver quelqu’un pour lui, de le voir être énervé à sa place, et pourtant, il lui semble qu’un poids se retire de ses épaules qu’il n’avait jamais senti auparavant.

Il parle, et Dante sourit en venant caresser sa nuque distraitement. Il a envie de l’embrasser, et tout son corps se réchauffe devant cette colère légitime, devant cette envie de le défendre. Peut être que c’est pour cela, que finalement, leur relation les soigne un petit peu. Parce que l’un prend les sentiments que l’autre aurait dû avoir, et inversement. « Dans mon monde, si. » Il se retient avant de préciser que c’est courant. Il pense à Artemia et à son chemin tout tracé qu’elle a ignoré, et à tous ceux qu’il connaît qui ont bêtement repris l’entreprise familiale, et il a envie de hausser les épaules. Ce n’est rien de très exceptionnel. Il n’a rien de très exceptionnel. Il est sans aucun doute bien moins à plaindre qu’Ezio. Il allait le dire, mais une petite voix le retient. Ce n’est pas une compétition.

Pourtant il n’a pas pu s’empêcher de l’embrasser. Plus le temps passe, et plus il a envie de le toucher, plus il ne peut passer quatre seconde sans un regard, un contact, un hochement de tête. Il se consume doucement, pourtant il a déjà conscience qu’il ne pourra pas faire beaucoup plus que l’embrasser, que leurs corps ne réagiront à rien de plus avec la quantité de substances ingurgitées, que quand ils seront incapables de parler, il ne leur restera plus qu’à s’enlacer. Tant pis. Tant mieux. Il devrait arrêter de poser des questions mais il n’y arrive pas, et il voudrait gratter jusqu’au fond de la blessure, il voudrait le faire pleurer juste pour être celui qui sècherait ses larmes, il voudrait que sa propre colère soit utile à quelque chose, qu’il puisse l’utiliser pour détruire la vie de quelqu’un qui le méritait réellement. Pourtant la réponse tombe, vérité implacable, et il a une petite moue déçue avant de voir les larmes dans les yeux d’Ezio.

Il a envie de dire que c’est tant mieux, qu’il ne méritait pas mieux, qu’au moins, il n’y a plus de raison d’avoir peur, et que l’on récolte ce que l’on sème. Il a envie de dire bon vent, d’aller cracher sur sa tombe, de féliciter son amant. Mais quand il ouvre la bouche, tout ce qui en sort est un petit « Je suis désolé. », tandis que ses mains tremblants se posent sur les joues du journaliste dans l’espoir de récupérer ses larmes. Ca ne doit jamais être agréable, de perdre un parent si définitivement. Il peut à peine l’imaginer. Mort, sans avoir pu en parler, sans avoir pu se venger, sans avoir pu pardonner. Mort avant d’avoir donné des réponses, et un traumatisme qui n’a plus aucune manière de se combler un peu, de se calmer à peine. Être bloqué pour toujours dans une prison d’espoirs idiots qui n’aboutiront jamais. Ils sont peut être trop similaires.

Son visage est prisonnier alors que la question tombe, et il déglutit en détournant le regard. Il est beau, Ezio, comme ça. Il a envie de l’embrasser, encore. « Non. » C’est un murmure, et il résonne à peine quelques minutes avant la déclaration d’Ezio. Sa gorge se serre, un peu. Il n’avait jamais pensé à se venger. Non. C’est faux. Il avait toujours refusé de finir ses pensées. Au fond de lui, une image du regard effrayé de sa mère vivait toujours, alors même qu’il ne se souvenait plus vraiment d’à quoi elle ressemblait. Il ne voulait pas qu’elle ait raison. Il ne voulait pas qu’elle ait peur. Il ne voulait pas qu’elle soit triste. « Je l’aime. » C’est toujours un murmure, et au fond, il espère qu’Ezio n’entende rien, cette fois, ni les mots, ni son cœur qui se serre, ni les larmes qui s’installent sous ses paupières. Heureusement, il l’embrasse, et Dante peut ravaler ses larmes et son amour à sens unique. Heureusement, plus rien n’a d’importance que ce corps au-dessus de lui, auquel il s’attache, auquel il s’agrippe comme à une bouée de sauvetage.

La question tombe comme un cheveu sur la soupe, et Dante se surprend à ouvrir et refermer la bouche plusieurs fois tant elle lui semble venir de nulle part. Le lien est difficile à faire, mais il finit par y arriver, et il fronce les sourcils petit à petit. « C’eeest une question rhétorique ? » Presque fier d’avoir retrouvé le mot de plus de deux syllabes, il a un petit sourire avant de se redresser sur les coudes, puis complétement. « Et si on le faisait ? On se casse. Qu’est ce qui nous retient ici de toute façon ? » Tout. Sa famille. Leurs amis. Elpis. « T’as pas de parents, pas de famille. Ton mec est parti. Tes amis comprendraient. Ils pourraient venir visiter. C’est aussi les miens. Moi ma famille s’en fout. Mon mec est parti aussi. Je devrais juste prévenir Artemia, arranger deux-trois choses, mais elle comprendrait aussi. » Il pourrait venir de temps en temps pour la voir, et inversement. Elle serait libre de rendre les choses un peu plus officielles avec quelqu’un et le faire passer pour le méchant qui l’a abandonné. Ils n’auraient aucun risque d’être devant un ultimatum un jour qui les pousserait à faire un enfant dont aucun des deux ne voudrait. Pendant de longues minutes, cette solution semble miraculeuse. Envolée, la tristesse. Il n’y a plus que l’enthousiasme trop violent.

Il gigote pour sortir du lit et se relève pour aller jusqu’à sa chambre et la fouiller. Quand il revient, c’est en faisant rouler devant lui un énorme globe qui n’aurait pas dû exister. « C’est le même que dans les sims, mais les gens qui l’ont fait ont oublié de faire en sorte qu’il s’ouvre. C’est débile hein ? Je pensais pas qu’il serait utile un jour, mais du coup. » Le globe est roulé jusqu’à devant Ezio, et il met un grand coup dedans pour qu’il commence à tourner à toute allure. Il a un peu le tournis, alors il s’assoit, mais il allume l’ordinateur qu’il a emmené avec lui en même temps. « Met ton doigt quand t’es prêt, on ira dans le pays où il se posera. Je prépare la recherche de suite d’hôtel pour les premiers jours. Et de jet. Ou de bateau. Si tu tombes sur la Sicile on refait, mais ce serait quand même la poisse. » Être libre. Fuir. Ensemble.
(c) AMIANTE
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Elpis

30.06.21 21:22

Elpis

i see you

Elpis observe les deux jeunes hommes depuis un moment, quelques jours peut-être. Elle a hésité à intervenir plusieurs fois, pour le meilleur ou pour le pire, elle n'a jamais réussi à se décider. Alors, ce soir, elle voit enfin l'opportunité de se joindre à la fête. Elle aime les décisions spontanées, un peu désespérées et si hâtives qu'elles en sont souvent stupides. Elle aime aussi le Chili. Aussi, lorsque Ezio posera son doigt sur la destination, c'est sur la ville de Santiago qu'il tombera.
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